La méthode de la planchette déclinée étant unanimement reconnue comme supérieure, le problème du nivellement topographique se posait dans un cadre méthodologique clairement défini : pour assurer le nivellement, il fallait disposer d’un modèle d’éclimètre à fixer sur la planchette pour mesurer les angles de pente. L’adoption du nivellement topographique à la planchette déclinée s’inscrivait donc dans le schéma d’innovation technique classique en cartographie, que j’ai déjà décrit pour les développements du théodolite ou de la boussole à éclimètre : le développement, puis le perfectionnement par l’usage d’instruments adaptés à une méthode préexistante.
Ainsi, une alidade nivelatrice fut rapidement mise au point. Utilisée par le génie pour les reconnaissances ou les levés expédiés753, et pour une partie des levés de détails en Algérie à partir de 1886754, sa conception très simple, avec un dispositif de visée à pinnule755, n’assurait pas une précision suffisante. Pour la remplacer, le colonel Goulier conçut la règle à éclimètre, mise en service en 1875 à l’école d’application de l’Artillerie et du Génie et en 1879 à la brigade topographique du Génie (figure 4). Constituée d’une règle biseautée pour le tracé des directions, d’une lunette coudée pour les visées et d’un éclimètre pour la mesure des angles d’inclinaison, elle était à la fois simple, robuste, légère et d’encombrement réduit : elle convenait donc bien aux travaux sur le terrain pour lesquels elle fournissait des résultats d’une précision suffisante à grande échelle. Par contre, la lunette n’était pas adaptée aux visées longues ou fortement inclinées, comme elles se présentent pour les levés aux échelles moyennes ou dans les régions montagneuses. Les changements nécessaires aboutirent finalement à la conception d’un nouvel instrument, dans lequel la lunette n’était plus solidaire de la règle pour permettre une inclinaison plus forte : l’alidade holométrique, dont les premiers modèles furent mis en service en 1893 (figure 5).
Levés expédiés : levés topographiques exécutés avec moins de précision que les levés réguliers ou de détails, généralement au cours de reconnaissance ou dans des régions difficiles à parcourir comme la haute montagne.
Jusqu’en 1886, la carte d’Algérie avait été levée avec les mêmes méthodes que la carte de France.
Pinnules : plaques percées de trous placées aux extrémités d’une alidade pour servir aux visées topographiques.