4.2. Le renversement du rapport entre géodésie et topographie.

Jusqu’à la fin du 19e siècle, la représentation partiellement géométrique du relief reposait essentiellement sur les données géodésiques, pour les raisons intimement liées de la prédominance de l’influence scientifique et de l’insuffisance du développement des techniques de nivellement topographique765. Seuls les points géodésiques donnaient des altitudes déterminées à partir de mesures instrumentales précises et les courbes de niveau qui structuraient le tracé des hachures sur la carte de France au 1 : 80 000 étaient extrapolées à partir d’un très faible nombre de points. Même si l’affirmation des préoccupations topographiques avait provoqué une certaine instrumentalisation de la géodésie, les levés restaient entièrement dépendants des données trigonométriques pour la détermination instrumentale des altitudes et donc la représentation géométrique du relief. La décision de baser non seulement les plans directeurs, mais aussi la nouvelle carte de France au 1 : 50 000 sur les levés de précision imposa définitivement une nouvelle méthode dans les travaux à grande échelle du Service géographique de l’armée. En mettant l’accent sur les pratiques instrumentales dans les levés topographiques eux-mêmes, cette méthode remettait en cause la prédominance de la géodésie qui avaient structuré l’évolution de la cartographie scientifique depuis la fin du 17e siècle. Son impact fut particulièrement important dans les Alpes, où la triangulation des ingénieurs géographes avait été singulièrement limitée dans sa précision par l’excentricité de la région couverte, ainsi que les conditions et l’urgence de sa réalisation après les annexions de 1860766. Les levés de précision imposèrent un complément systématique des données de la triangulation jugées insuffisantes pour les levés à grande échelle. Même si elles furent exécutées plus tôt dans les Alpes que dans la plupart des autres régions françaises, les opérations de la Nouvelle triangulation de la France, prometteuses du point de vue méthodologique, se trouvèrent rapidement limitées par les restrictions budgétaires. Dans ce contexte, la généralisation du nivellement topographique et du filage des courbes dans les levés de précision affirmèrent que la géométrisation complète du relief passait nécessairement par une indépendance instrumentale des levés topographiques.

Notes
765.

Voir supra, partie 1, chapitre 3.2.1.

766.

Voir supra, partie 1, chapitres 4.1 et 4.2.