4.2.1.2. Le canevas général dans les levés de précision.

S’il satisfaisait les besoins limités de la représentation partiellement géométrique du relief sur la carte de France au 1 : 80 000, le réseau des points géodésiques de la triangulation des ingénieurs géographes s’avérait insuffisant pour appuyer les levés de précision, principalement au niveau du nombre de cotes. En raison des échelles employées, du 1 : 10 000 au 1 : 20 000, ceux-ci nécessitaient toujours des opérations trigonométriques locales au 4e, voire 5e ordre. La méthode employée au Dépôt des fortifications innovait donc en intercalant entre les opérations géodésiques et les levés topographiques proprement dits, la détermination d’un canevas général – parfois aussi appelé « de détail » ou « complémentaire » – pour appuyer ces levés, c’est-à-dire un réseau de points déterminés par des méthodes non géodésiques, mais dont la fonction était analogue aux points géodésiques dans la structuration du levé.

Selon l’échelle des levés et la nature du terrain, c’est-à-dire s’il s’agissait ou non d’une région montagneuse, ce canevas complémentaire était déterminé en une ou deux étapes. Dans les zones de parcours facile, les officiers établissaient un canevas général en complétant le réseau de la triangulation des ingénieurs géographes par des cheminements au tachéomètre entre les points géodésiques. Les cheminements étaient exécutés le long des voies de communication afin de pouvoir utiliser les repères du nivellement, qui donnaient des cotes plus précises et plus nombreuses que la triangulation des ingénieurs géographes772 :

‘« La première [opération] consiste dans l’établissement d’un canevas général obtenu en partant de points géodésiques et dans des cheminements exécutés le long des côtés des polygones qui suivent généralement les routes et les principaux chemins. Sur ces voies de communication, on rencontre les repères des nivellements de précision, auxquels on les rattache pour le calcul des altitudes. On obtient ainsi un réseau de 10 à 16 kilomètres carrés, partagé en petits polygones dont la surface varie entre 600 et 1200 hectares. Sur leur périmètre on détermine, par une opération tachéométrique, les coordonnées géographiques et les cotes d’une série de stations repérées, distantes en moyenne de 200 mètres. Ce travail préliminaire est accompli au moyen de boussoles nivelantes ou de tachéomètres qui donnent les angles à 1’ près. »773

Le colonel Goulier avait d’ailleurs spécialement conçu un modèle léger et maniable de tachéomètre, mis en service dès 1873, qui permettait une mesure précise des distances jusqu’à deux cents mètres774.

Dans les levés au 1 : 20 000 de régions montagneuses, les cheminements au tachéomètre n’étaient généralement possibles que dans le fond des vallées. Pour les zones d’accès difficile ou impossible, le canevas général était donc complété par « une triangulation graphique, s’appuyant sur des bases brisées constituées par des parties de cheminements, cette opération [se faisant] en stationnant aux sommets des cheminements et en relevant par intersection tous les objets qui [formaient] des signaux naturels ou artificiels »775. La planchette à calotte sphérique, plus stable, était utilisée avec une règle à éclimètre de grand modèle, puis avec une alidade holométrique après 1893.

Le canevas général était ensuite « reporté sur une planchette, qui [recevait] en outre une réduction du cadastre à l’échelle »776 quand elle était disponible. Les levés topographiques proprement dits s’appuyaient alors sur le canevas général, mais par l’intermédiaire d’un canevas de détail exécuté par des procédés graphiques de relèvement. Le figuré du relief était assuré par le procédé du filage des courbes, ou par l’extrapolation de leur tracé à partir de nombreux points d’intersection pour les zones inaccessibles, et le dessin de la minute exécuté au crayon sur le terrain même « en vue d’en assurer la fidélité absolue »777.

Notes
772.

Réseau Bourdalouë jusqu’en 1906, puis Lallemand ensuite.

773.

Rapp. SGA 1889, p. 12.

774.

Le SGA. Op. cit., p. 53.

775.

Rapp. SGA 1889, p. 14.

776.

Ibid., p. 12.

777.

La Nouvelle carte de France. Op. cit., p. 87.