4.2.2.2. La lente réalisation de la nouvelle triangulation.

Même si de nombreux spécialistes ne la jugeaient pas indispensable – en grande partie grâce à la généralisation des canevas complémentaires dans les levés de précision –, la nouvelle triangulation de la France fut commencée immédiatement après son acceptation par la Commission du cadastre en 1898784, afin d’appuyer les levés cadastraux et les levés de précision. Complétant la nouvelle mesure de la méridienne, les opérations primordiales furent reprises sous la direction du colonel Bassot, chef de la section de géodésie du SGA, juste avant sa nomination à la direction du service. Si les signaux des ingénieurs géographes avaient été entretenus, une compensation d’ensemble à partir de quelques nouvelles mesures (notamment le parallèle moyen et celui de Rodez) aurait pu être envisagée pour les 1er et 2e ordres, mais la plupart de ces signaux avaient disparu785. Le nouveau réseau s’appuyait donc sur huit nouvelles chaînes primordiales : les méridiennes de Paris, Lyon et Bordeaux ; les parallèles de Paris, Lyon (de Clermont à la Savoie), Rochefort (de Guéret à la Rochelle), Avignon (de Castres à Nice), Toulouse (d’Albi à Bayonne)786.

Après la suppression des crédits spécifiques en 1907, les travaux furent continués sur le seul budget du SGA787 et connurent un ralentissement important. Au déclenchement de la première guerre mondiale, seules quelques portions des chaînes primordiales avaient pu être établies : « la partie des parallèles de Paris et de Lyon, à l’est de la grande méridienne, une courte portion du parallèle d’Amiens, la méridienne de Lyon, entre les parallèles de Paris et de Marseille, et la partie du parallèle d’Avignon, située entre cette dernière chaîne et la frontière des Alpes ainsi que son rattachement à la triangulation italienne »788.

Après la guerre, la situation était encore compliquée par la dévastation d’une partie du territoire à laquelle n’avaient pas échappé les signaux géodésiques, et par le manque de géodésiens, sept étant morts au front et les autres ayant souvent obtenu des grades supérieurs les entraînant vers une autre carrière. Directeur de la section de géodésie depuis 1919, le lieutenant-colonel Georges Perrier789, fils du général Perrier, forma un nouveau corps de géodésiens, dont l’instruction fut assuré par les travaux dans les pays d’outre-mer, et reprit la nouvelle triangulation à partir de 1924. « Le parallèle d’Amiens fut poussé jusqu’à la frontière de Belgique et relié à la triangulation de ce pays, le parallèle d’Avignon achevé […] la méridienne de Lyon […] prolongée vers le nord, le parallèle de Paris […] prolongé vers l’est jusqu’au Rhin et vers l’ouest, enfin la partie orientale du parallèle de Bourges […] établie. »790 Mais l’avancée des travaux restait très lente faute de crédits, et « il n’existait en 1940, 42 ans après le début des travaux, que le 1er ordre de chaîne de la moitié Est et le 1er ordre complémentaire des régions Nord-Est et Est »791, alors que le réseau de détail n’avait été établi que dans une partie des régions où avaient été exécutés les levés topographiques de la nouvelle carte de France.

Notes
784.

Voir supra, partie 2, chapitre 3.4.1.3.

785.

Le SGA. Op. cit., p. 66.

786.

ALINHAC Georges. Cartographie ancienne et moderne. T.2. Op. cit., p. 53.

787.

Voir supra, partie 2, chapitre 3.4.2.1.

788.

Le SGA. Op. cit., p. 90.

789.

Georges Perrier (1872-1946) : géodésien français, il enseigna notamment la géodésie et l’astronomie à l’Ecole polytechnique.

790.

Le SGA. Op. cit., p. 90.

791.

ALINHAC Georges. Cartographie ancienne et moderne. T.2. Op. cit., p. 54.