4.2.3.2. Les opérations de 1er ordre et les jonctions avec les triangulations étrangères et indépendantes.

Les opérations primordiales furent exécutées assez rapidement dans les régions alpines. Dans sa portion qui concernait les Alpes, la mesure de la méridienne de Lyon fut achevée avant 1914. La reconnaissance ayant été effectuée en 1904, deux officiers géodésiens menèrent en même temps la construction des signaux et les stations jusqu’à hauteur du parallèle moyen entre 1905 et 1907. Les mesures étaient réalisées avec un cercle azimutal de trente centimètres de diamètre et un grand théodolite réitérateur de Brunner pour les distances zénithales, les visées étant faites soit avec une mire en bois, soit avec des miroirs qui demandaient plus de personnel mais assuraient une plus grande précision. La mesure de la méridienne fut reprise en 1910 puis en 1912 par deux officiers travaillant toujours en parallèle, et des stations furent ainsi effectués à la Charpenne, au Taillefer, au Granier et au Grand Colombier797.

Pendant ces opérations, et en vue de la jonction des triangulations française, italienne et suisse, des signaux avaient été construits en 1906 à la Tournette et au Bellachat et des observations effectuées en 1912 à partir de la station du Grand Colombier. Le SGA monta un projet de rattachement en 1914, suite à la demande du Bureau topographique fédéral suisse de pouvoir exécuter quelques stations sur le territoire français pour la triangulation appuyant les levés cadastraux suisses. Les sommets de rattachement entre les triangulations française et suisse se trouvant tous sur le territoire français, les ingénieurs suisses purent l’effectuer sans problème. D’un point de vue politique, le projet de rattachement avec la triangulation italienne fut facilité par le rapprochement entre la France et l’Italie depuis la fin du 19e siècle. Mais de nombreux signaux avaient été détruits et les opérations déjà difficiles furent compliquées par la neige très tardive et des problèmes de localisation des sommets employés par les Piémontais et les Autrichiens lors du précédent rattachement au début du 19e siècle798. Finalement, les évènements politiques empêchèrent d’achever les opérations sur le terrain799.

Après la guerre, la disparition de nombreux officiers-géodésiens et les importantes destructions causées par le conflit dans les régions du nord-est focalisèrent les travaux sur la formation de nouveaux officiers et la reconstruction des signaux. Les opérations dans les Alpes ne reprirent qu’à la fin des années vingt. Le parallèle de Lyon fut ainsi compensé dans sa partie est en 1927, et les opérations primordiales sur le parallèle moyen achevées en 1928. Le rattachement avec les réseaux suisse et italien put enfin être réalisé, entre Annecy et le Val d’Aoste pour l’Italie, avec des visées depuis les « stations extrêmes du parallèle [vers] les sommets, situés dans le Piémont, de la Grande Rochère (3.326 mètres) et de Becca di Tos (3.302 mètres) », et pour la Suisse « au sud du lac de Genève, sur deux côtés, Cuerme-Trélod et Trélod-Colloney, reliés directement au parallèle moyen »800.

Les sommets choisis pour la jonction avec le réseau suisse permirent également de réaliser dans d’excellentes conditions le rattachement avec le réseau primordial du « géodésien-alpiniste » Paul Helbronner801. Les possibilités de stations intéressantes étaient certes limitées, mais des deux côtés s’exprimait une volonté de favoriser un éventuel raccordement. Helbronner avait ainsi stationné sur plusieurs sommets de la triangulation des ingénieurs géographes, également employée par le SGA pour la nouvelle triangulation. De son côté, le SGA prévoyait « d’incorporer au réseau primordial officiel une partie de la triangulation de 1er ordre qui, dans l’œuvre de M. Helbronner, [constituait], sous le nom de méridienne des Alpes, un large enchaînement depuis le lac de Genève jusqu’à la côte méditerranéenne, entre Toulon et la frontière italienne », « en vue notamment de l’utilisation future, pour les levés topographiques, des nombreux points de 3e ordre dont ce géodésien [avait] déterminé les coordonnées »802. Entre 1927 et 1928, le Service choisit donc spécialement les sommets de la méridienne d’Helbronner les plus aptes à s’insérer dans son réseau avant d’effectuer ses opérations en Savoie. Les cinq sommets stationnés par les officiers géodésiens en 1928 appartenaient ainsi aux deux réseaux, notamment le Colloney utilisé pour le raccordement avec la Suisse. La triangulation d’Helbronner se trouvait ainsi rattachée à la nouvelle triangulation française par six sommets communs dans les Alpes du nord, cinq dans les Alpes du sud, ainsi qu’un sommet de 1er ordre complémentaire au Pelvoux, situé à mi-distance entre les parallèles de Lyon et d’Avignon, qui servait de centre aux deux triangulations803.

Sur le terrain, les opérations primordiales de la nouvelle triangulation française s’achevèrent ainsi dans les Alpes en 1928, vingt-quatre ans après leur commencement. Un ajustement général du 1er ordre d’Helbronner fut toutefois effectué en 1934-35 pour assurer davantage encore son rattachement au réseau primordial du SGA804.

Notes
797.

Le côté joignant ces deux derniers sommets était commun à la méridienne et au parallèle de Lyon.

798.

Voir supra, partie 1, chapitre 4.1.1.2.

799.

Rapp. SGA de 1907, 1910, 1912, 1914.

800.

Rapp. SGA 1928-29, p. 9-10.

801.

Paul Helbronner réalisa, grâce à la fortune de sa belle famille, une description géométriques des Alpes françaises, essentiellement dans le cadre de la Commission de topographie du CAF. Voir infra, partie 3, chapitre 1.3.1.

802.

Rapp. SGA 1926-27, p. 15.

803.

Ibid., p. 15-17.

804.

Rapp. SGA 1934-35, p. 72.