4.3.1.3. L’influence de l’idéologie du progrès technique.

La plupart des argumentaires pour de nouvelles cartes soulignant – plus ou moins opportunément – le « retard » de la France sur d’autres pays européens, je pense que la notion de prestige scientifique restait une motivation centrale dans les entreprises cartographiques. Sa force résidait dans les multiples interprétations possibles du retard cartographique, en terme de couverture du territoire, de qualité graphique des cartes ou de précision des levés. Elle était particulièrement efficace entre 1870 et 1914, quand l’idéologie du progrès technique était à son apogée en France, soutenue par la volonté de revanche sur la science allemande dont la supériorité avait été désignée comme l’un des facteurs fondamentaux de la défaite de 1870. Cette idéologie trouvait un écho très favorable dans le domaine de la cartographie dont l’évolution témoignait déjà d’une domination de la notion de progrès technique, comme le montraient les argumentations récurrentes – bien que partiellement infondées – de l’amélioration des techniques pour justifier de nouvelles entreprises.

Mon hypothèse est que l’accroissement des échelles n’était que partiellement dépendant des applications pratiques, et qu’il reflétait en fait la tendance scientifique à rechercher une perpétuelle amélioration des mesures – particulièrement sensible en géodésie par exemple –, accentuée par une sorte de compétition internationale dans laquelle l’échelle jouait un rôle central en tant que facteur facilement comparable. Cet accroissement s’inscrivait dans un processus global : une échelle supérieure diminuait la marge d’erreur graphique, nécessitant des levés et donc des instruments plus précis. L’affirmation de la conception utilitariste joua certes un rôle déclencheur pour le Dépôt de la guerre, mais ce rôle était plus lié à la conjoncture institutionnelle que technique. Dès 1817, la Commission royale avait envisagé des levés au 1 : 10 000 et une carte au 1 : 50 000 : seuls la mainmise des militaires sur le projet de carte de France et les problèmes budgétaires contrarièrent la tendance scientifique à chercher une précision plus grande.

Je considère donc qu’à la fin du 19e siècle, l’accroissement des échelles participait surtout d’une influence scientifique qui dominait encore les préoccupations pratiques, comme en témoigne le développement de l’approche scientifique de la topographie.