1.1.1.2. Un parfait exemple de l’excursionnisme cultivé.

Avec son objet qui participait à la volonté d’augmentation de la connaissance scientifique de la montagne, la Commission de topographie constituait un parfait exemple du modèle de l’excursionnisme cultivé que décrit Olivier Hoibian848. Sa constitution même reflétait celle de l’élite parisienne qui imposait ce modèle à l’ensemble des sections du Club alpin français849. Si lors du dixième anniversaire de la création de la Commission, Franz Schrader disait des membres qu’ils avaient « été attirés les uns vers les autres, non par des origines ou par une éducation identiques, bien loin de là, mais par un sentiment commun et une orientation d’esprit également commune », je pense qu’il sous-estimait fortement la proximité socioculturelle des membres de la Commission. En effet, parmi les huit membres titulaires et les trente-sept membres correspondants (tableau 8) se retrouvait la même surreprésentation des professions intellectuels que dans le milieu des alpinistes en général et dans les instances dirigeantes du CAF en particulier850, avec seulement une proportion encore plus importante de professions techniques ou scientifiques qui représentaient un peu plus de la moitié des professions des membres (23 sur 45, soit 51 %).

Tableau 8 : Professions des membres de la Commission de topographie du CAF.
Catégorie « professionnelle » Nombre Proportion
Officiers militaires (souvent supérieurs) 9 20 %
Nobles 3 6,5 %
Universitaires 8 18 %
Autres professions intellectuelles (écrivains, etc.) 1 2 %
Ingénieurs 6 13,5 %
Hauts fonctionnaires 2 4,5 %
Professions libérales (médecins, notaires) 3 6,5 %
Professions inconnues 13 29 %
Total 45 100 %

La Commission de topographie était ainsi formée par les membres d’une élite intellectuelle, scientifique et technique. Parfaitement représentatifs de la composition d’une société savante à caractère technique, ils partageaient une culture commune beaucoup plus importante que ne l’envisageait Schrader, dont les traits significatifs, pour l'objet de la commission, étaient une croyance totale dans le progrès technique et une passion pour la haute montagne. Cette proximité socioculturelle fut fortement accentuée par une vision « commune » des orientations de la Commission, forgée par Henri Vallot et imposée par les membres titulaires parisiens à l’ensemble des membres correspondants, qui se traduisit d’un point de vue institutionnel par l’affirmation du rôle d’expert de la Commission dans le domaine de la topographie de haute montagne.

Notes
848.

HOIBIAN Olivier. Les Alpinistes en France. Op. cit.

849.

Voir supra, partie 2, chapitre 1.3.3.

850.

HOIBIAN Olivier. Les Alpinistes en France. Op. cit., p. 18-23.