1.1.3.2. Les conséquences du déclin de l’excursionnisme cultivé.

Si la plupart des œuvres cartographiques des membres de la Commission furent publiées dans les années vingt et trente, le travail de terrain souffrait du manque de renouvellement des topographes-alpinistes. Le modèle de l’excursionnisme cultivé était de plus en plus fortement remis en cause depuis le début du 20e siècle. En 1919, la création du Groupe de haute montagne (GHM) avait confirmé l’essor d’une pratique uniquement sportive de l’alpinisme, complétée à l’opposé de l’investissement physique demandé par une pratique touristique au sens moderne du terme de « découverte sans prétention ». L’approche essentiellement culturelle de la haute montagne n’était plus défendue que par les plus anciens membres du CAF et périclitait en même temps que ceux-ci disparaissaient peu à peu.

Dans le domaine scientifique, les topographes-alpinistes les plus prestigieux mouraient également les uns après les autres sans être remplacés par une nouvelle génération. La Commission des travaux scientifiques comptait parmi ses membres des géologues, des glaciologues ou des botanistes, mais les seuls véritables topographes-alpinistes encore en activité dans les années trente étaient tous d’anciens membres de la Commission d’avant-guerre, comme Charles Vallot, Etienne de Larminat ou Léon Maury. Des raisons multiples expliquent le désintérêt des nouveaux alpinistes pour la topographie. Les nouvelles orientations de l’alpinisme, l’investissement par les élites cultivées et fortunées de nouvelles formes de loisir (automobile, aviation), le développement d’autres disciplines scientifiques (glaciologie, géomorphologie), en partie liées à de nouvelles pratiques « sportives » comme la spéléologie, participèrent à une érosion rapide du socle de recrutement des topographes-alpinistes et au déclin de leurs travaux de terrain entre 1920 et 1939, alors que leur production cartographique continuait d’être alimentée jusqu’à la fin des années quarante par des travaux essentiellement réalisés entre le début du siècle et les années vingt. Mais selon moi, ce furent surtout l’investissement du SGA dans les Alpes861 et le développement de nouvelles techniques topographiques inaccessibles à des particuliers comme la photographie aérienne862, qui scellèrent définitivement le destin des topographes-alpinistes.

Notes
861.

Voir infra, partie 3, chapitre 2.3.

862.

Voir infra, partie 4, chapitre 2.3.3.3.