1.2.2.3. La méthode « officielle ».

Activement soutenus par certains des membres titulaires les plus influents comme Helbronner ou Prudent, l’autorité scientifique et technique d’Henri Vallot était telle qu’il n’y eut pas d’opposition ouverte à la méthode topographique qu’il imposait. Même si leur rédaction assurée par Henri Vallot émoussait certainement les positions divergentes, le contenu des procès-verbaux de la Commission de topographie m’apparaît très révélateur de cette uniformisation des méthodes employées : très rapidement, ils ne détaillèrent plus les méthodes mises en œuvre dans les travaux sur le terrain – qui étaient toujours les mêmes –, mais se contentèrent de citer les instruments utilisés (règle à éclimètre, alidade nivelatrice, planchette à main) et l’emploi éventuel de la photographie.

Cette normalisation des méthodes par le haut se traduisait par un discours qui mettait systématiquement en avant l’unité méthodologique des travaux de la Commission, parfois même dans des contextes ne s’y prêtant pas directement. Ainsi, la méthode « officielle » fut exposée de façon très formelle et synthétique dans un article d’Henri Vallot consacré à la nouvelle carte de France au 1 : 50 000, publié dans La Montagne en 1906. Après avoir détaillé la méthode du Service géographique de l’armée, en soulignant la précision insuffisante pour les besoins scientifiques et alpinistes des triangulations graphiques employées dans les levés de précision, et la nécessité toujours actuelle de disposer de cartes locales plus détaillées, il définissait la méthode originale de la Commission :

‘« Répondant directement à l’objectif de la topographie alpine, la conception du canevas est entièrement différente de celle des levés de précision du Génie ; ce canevas est constitué par des triangulations au théodolite, appuyées exclusivement sur les points de premier ordre du réseau géodésique français [des ingénieurs géographes, les seuls points d’une précision jugée toujours satisfaisante] ; il fournit ainsi des points trigonométriques absolument sûrs, tout comme position que comme altitude, à raison d’un en moyenne par 2 km2. L’ensemble des crêtes, les points de rattachement dans les vallées et tous les points de la région ayant quelque importance topographique se trouvent ainsi définis avec des garanties de précision qu’on ne peut demander ni aux points de 3e ordre de l’ancienne triangulation française, ni aux opérations graphiques quelles qu’elles soient.
Mais ce n’est pas tout : pour achever cette définition des crêtes, pour “habiller” ce canevas, le topographe alpiniste dispose des procédés photographiques, qui lui sont familiers, qu’il a constamment à sa disposition et auxquels il a recours le plus volontiers, parce qu’il s’en sert aisément et presque sans dépense supplémentaire, ni éducation préalable ; étant entendu qu’il s’agit ici de régions le plus souvent inaccessibles où les procédés par intersection sont seuls admissibles et où l’emploi des perspectives acquiert son maximum de rendement. »887

Dans le détail, la méthode « officielle » des topographes-alpinistes, telle qu’elle fut définie dans les manuels d’Henri Vallot, suivait donc trois étapes :

Notes
887.

VALLOT Henri. La nouvelle carte de France au 50.000e. Op. cit., p. 228-229.

888.

Pour cette raison, il ne la présenta que tardivement, dans le dernier de ses quatre manuels paru en 1909, quand la nécessité se fit sentir pour des levés locaux détaillés, notamment de glaciers.

889.

VALLOT Henri. Levés à la planchette. Op. cit., p. 2.