Une trentaine de pages de critiques diverses et de recommandations générales ne suffisaient pas à fonder un modèle de cartographie de la haute montagne. Il fallait disposer d’exemples concrets mettant en application ces recommandations et illustrant les spécifications privilégiées par les membres de la Commission de topographie. Deux cartes de topographes-alpinistes furent publiées avant la guerre, qui répondaient toutes deux exactement aux exigences formulées par la Commission : le Massif de Gavarnie et du Mont-Perdu (1914, 1 : 20 000)895, dressée par Franz Schrader qui, à plus de soixante ans, était retourné sur le terrain entre 1906 et 1913, et les Aiguilles de l’Argentière, Massif des Sept-Laux (1911, 1 : 20 000)896 de Robert du Verger, une petite carte basée sur la triangulation d’Helbronner et ne couvrant que quelques kilomètres carrés.
Dans les deux cas, le topographe-alpiniste connaissait parfaitement la zone représentée et avait cherché une représentation qui soit à la fois sobre, lisible et expressive. Les deux cartes utilisaient l’échelle du 1 : 20 000 prônée par Henri Vallot. Elles représentaient le relief par des courbes de niveau équidistantes de vingt mètres, avec des courbes maîtresses tous les cent mètres, mises en valeur par un tracé plus épais. Les couleurs de base employées étaient « traditionnelles » : noir pour la planimétrie et la riche toponymie, bistre pour les courbes de niveau, bleu pour l’hydrographie et les courbes glaciaires897. Sur la carte de Du Verger, les courbes maîtresses portaient une indication de l’altitude et les courbes rocheuses étaient en violet. Sur celle de Schrader, la végétation était représentée par un signe conventionnel en vert et le rocher à l’effet dessiné en violet.
La qualité de la représentation topographique fut vantée pour les deux cartes. Robert Perret compara le « coup de plume » de Du Verger à celui d’Imfeld898. Quant à la carte de Schrader, sur laquelle ce dernier figurait, selon Numa Broc, « de la façon la plus exacte et la plus expressive les moindres détails de la lithologie, de la structure, de la morphologie fluviale et glaciaire »899, elle fut érigée en véritable chef-d’œuvre. Henri Vallot la présenta d’ailleurs comme le modèle à suivre pour les autres publications des membres de la Commission – considérant sa propre carte comme trop précise et détaillée pour servir de référence900.
SCHRADER Franz. Massif de Gavarnie et du Mont-Perdu. Paris : Henry Barrère, 1914. 1 feuille. 5 couleurs. Echelle 1 : 20 000.
VERGER Robert du. Aiguilles de l’Argentière, Massif des Sept-Laux. Paris : Erhard Frères, 1911. 1 feuille. 4 couleurs. Echelle 1 : 20 000.
La question de la normalisation des couleurs employées et de l’influence du modèle suisse sur la cartographie topographique française est discutée plus loin, voir infra, partie 3, chapitre 4.2.2.
PERRET Robert. Notes de M. R. Perret. Op. cit., p. 150.
BROC Numa. La montagne, la carte et l’alpinisme. Op. cit., p. 121.
Voir supra, partie 3, chapitre 1.1.3.2.