1.3.1. La description géométrique détaillée des Alpes de Paul Helbronner.

1.3.1.1. Un projet issu de la Commission de topographie.

L’activité de la Commission de topographie du Club alpin français est habituellement présentée à travers les deux œuvres majeures réalisées par ses membres fondateurs : la carte du massif du Mont Blanc au 1 : 20 000 d’Henri et Joseph Vallot et la description géométrique détaillée des Alpes de Paul Helbronner. Contrairement à la carte des Vallot, la triangulation d’Helbronner est véritablement une conséquence de la création de la Commission : les premiers travaux, puis le projet de les réunir en un ensemble cohérent furent décidés au sein de celle-ci et une grande partie des opérations fut effectuée sous l’autorité omniprésente d’Henri Vallot.

Paul Helbronner (1871-1938) était un jeune polytechnicien qui, après être passé par l’Ecole nationale d’artillerie de Fontainebleau, avait épousé Hélène Fould en 1897, se retrouvant par cette alliance à « pantoufler » dans l’entreprise sidérurgique de son beau-père903. Il semble qu’il ait rencontré pour la première fois les Vallot pendant des vacances passées adolescent à Chamonix. Membre éminent de la Société de photographie et du Club alpin français, peu intéressé par sa carrière d’administrateur, ce fut lors d’un séjour de convalescence en 1902 qu’il décida de consacrer sa vie aux Alpes904. Instigateur avec Henri Vallot de la création de la Commission de topographie du CAF, il participa à la définition de son programme. Lors de sa deuxième réunion, le 27 mars 1903, les membres présents définirent les priorités de la Commission en désignant les massifs de Belledonne et d’Allevard comme ceux dont la représentation cartographique laissait le plus à désirer. Pour appuyer les futurs levés des topographes-alpinistes, Paul Helbronner et le commandant de Magnin, ancien officier géodésien du Service géographique de l’armée, se proposèrent d’effectuer la triangulation de ces massifs905. Finalement, seul Helbronner put se libérer pendant l’été et commencer les opérations dans le massif d’Allevard.

Jusque-là, son expérience cartographique se limitait à un tour d’horizon panoramique exécuté au Pelvoux en 1902. Sa formation à la géodésie fut entièrement assurée par l’omniprésent Henri Vallot906. Il effectua ainsi ses premières visées au théodolite durant l’été 1903. Entre 1904 et 1906, il entreprit d’autres campagnes dans les massifs de Belledonne, des Grandes Rousses, des Arves, du Taillefer, du Pelvoux et des Ecrins, mais ce ne fut qu’en 1906 qu’il forma clairement le projet d’une triangulation cohérente s’étendant du massif des Ecrins jusqu’au massif du Mont Blanc pour y être rattachée à la triangulation Vallot907. Après son entrée au Comité national de géodésie et de géophysique en 1920, Helbronner s’émancipa peu à peu de l’influence d’Henri Vallot et du côté purement fonctionnel de son travail à l’intérieur de la Commission de topographie. Il étendit alors son projet, envisageant de former une chaîne ininterrompue de triangles, depuis le lac Léman jusqu’à la Méditerranée. Finalement, entendant parler d’un projet italien de jonction Italie – Corse – Alpes-Maritimes au Comité, il décida opportunément d’achever sa chaîne par la jonction entre Nice et la Corse en 1925.

Notes
903.

COÛTEAUX Michel. La face cachée de Helbronner. L’Alpe, 2000, 7, p. 62.

904.

Ibid., p. 62.

905.

PV Com. Topo. CAF 1903-1906, p. 11-13.

906.

Réveillant l’opposition traditionnelle entre la formation plus technique de l’Ecole centrale par rapport à l’Ecole polytechnique dont le rôle était surtout de créer des élites dirigeantes pour l’Etat (et involontairement l’industrie) : Vallot, « ingénieur des Arts et Manufactures, s’irrite parfois, accusant d’infériorité les ingénieurs de Polytechnique… » COÛTEAUX Michel. La face cachée de Helbronner. Op. cit., p. 63.

907.

PRUDENT Lieutenant-Colonel, VALLOT Henri. La Commission de Topographie. [avril 1906] Op. cit., p. 197.