1.3.1.3. Une œuvre colossale d’une certaine utilité.

Le résultat en lui-même ne fut pas si inutile que certains ont pu le dire ou l’écrire. Les campagnes s’étaient déroulées entre 1902 et 1928, en soixante-dix mois passés sur le terrain. Elles couvraient 18 500 km2 à partir de 1 818 stations, dont 72 au-dessus de 2 000 mètres, depuis lesquelles Helbronner cumula 15 500 clichés photographiques. La chaîne de triangles s’appuyait sur des déterminations astronomiques de latitude et longitude qu’Helbronner avait faites exécuter entre 1924 et 1926 pour huit stations dans les Alpes et six en Corse912. Le point d’orgue de son entreprise fut la jonction géodésique entre Nice et la Corse, effectuée de nuit grâce à des signaux optiques éloignés de plus de trois cents kilomètres.

Certes, les douze tomes publiés à compte d’auteur chez Gauthiers-Villars entre 1910 et 1938 représentaient une somme de textes et de données qui ne fut jamais vraiment vérifiée, ni utilisée dans son intégralité. Mais une partie des résultats, communiquée au Service géographique de l’armée, fut intégrée à la triangulation des ingénieurs géographes pour pallier au retard de la nouvelle triangulation de la France et servir aux levés topographiques de la carte au 1 : 50 000913. Peu sûrs de leur précision, les militaires se contentèrent dans un premier temps d’utiliser les points issus de la triangulation Helbronner en tant que « points de vérification intermédiaire augmentant la sécurité des cheminements fondamentaux tachéométrés [… ou] points supplémentaires intercalés dans les opérations secondaires de balisement à la planchette. »914 Mais avec la publication des premiers tomes de la Description et la persistance du retard de la nouvelle triangulation, le SGA finit par fusionner le nouveau réseau issu de la réfection de l’ancienne triangulation et le réseau d’Helbronner dans certaines régions levées dans les années vingt, notamment le massif de l’Oisans915. Surtout, la triangulation d’Helbronner permit à des topographes-alpinistes, qui ne disposaient ni de son temps libre, ni de sa fortune, de dresser des cartes remarquables de secteurs plus limités des Alpes en les basant sur un réseau trigonométrique satisfaisant.

Notes
912.

Images de la montagne. Op. cit., p. 57. Quatrième Partie : Evolution de la cartographie du massif du Mont-Blanc, p. 47-58.

913.

Voir infra, partie 3, chapitre 2.3.1.

914.

Rapp. SGA 1906, p. 21.

915.

Rapp. SGA 1926-27, p. 91-92.