Au-delà des affaires de personnes qui justifiaient la présence de militaire dans la Commission de topographie, les relations entre celle-ci et le SGA connurent un développement continu entre 1903 et 1914, dans les deux registres complémentaires de la mondanité et des rapports institutionnels.
D’un côté, les membres de la Commission et les officiers supérieurs dirigeant le SGA se faisaient régulièrement part de leur estime et soutien réciproques, principalement à travers des dons répétés de publications. Une grande partie des cartes de topographes-alpinistes de mon corpus, trouvées dans les archives de la cartothèque de l’IGN qui les hérita du SGA, portent ainsi des dédicaces de leurs auteurs adressées au directeur du SGA de l’époque de leur publication. Dans l’autre sens, la Commission, dont les crédits restaient limités, reçut de la part du SGA de nombreux ouvrages et cartes, ainsi que des épreuves d’essai de la nouvelle carte de France. Les marques d’estime mutuelle étaient souvent rappelées : le Club alpin français évoquait régulièrement dans ses rapports annuels l’importance nationale de la Commission en citant le général Berthaut qui avait « exprimé à plusieurs reprises sa satisfaction de voir collaborer à la topographie de la montagne française un groupe d’indépendants unis dans une même pensée d’honnêteté scientifique et de désintéressement »943, et la Commission de topographie, malgré la position critique qu’elle adoptait sur la nouvelle carte de France pour les alpinistes, ne cessait de souligner la qualité des travaux du SGA pour les besoins auxquels ils devaient répondre. Ces relations que je qualifierai de mondaines s’affirmaient aussi par la fréquentation des mêmes institutions de l’élite cultivée, les hauts responsables militaires du SGA et les membres du bureau de la Commission se retrouvant parfois à la Société de géographie, par exemple.
D’un autre côté, des collaborations institutionnelles ponctuelles et limitées se mirent rapidement en place, dans une double dynamique d’affirmation de la Commission dans son rôle d’expert en matière de cartographie de haute montagne et d’exploitation pragmatique des travaux des topographes-alpinistes par le SGA dont le budget de fonctionnement ne permettait pas d’assurer les ambitions de la nouvelle carte de France. Dans un premier temps, ces collaborations se développèrent principalement dans le domaine de la géodésie où les travaux étaient limités par la réduction des crédits, pour le SGA, et par les compétences techniques et les instruments disponibles, pour la Commission. Le SGA utilisa ainsi les données de la triangulation d’Helbronner pour combler le retard de la nouvelle triangulation, en échange de porteurs. Dans l’autre sens, grâce à la présence du commandant Bourgeois dans le bureau de la Commission, celle-ci eut accès aux données de la triangulation des ingénieurs géographes et même à certains résultats de la nouvelle triangulation en cours d’exécution.
Après sa démission de la Commission en 1909, Bourgeois continua à entretenir des rapports étroits avec ses membres. En 1911, sa nomination à la direction du SGA en succession du général Berthaut facilita considérablement les rapports entre les deux organismes, sans toutefois modifier leur nature elle-même. Si l’affirmation de l’expertise de la Commission en topographie alpine scella le rapprochement institutionnel par le développement des collaborations944, l’ambition affichée par la Commission accentua également une opposition structurelle qui, si elle n’était pas explicitement reconnue, sous-tendait cependant le développement des relations entre les deux organismes.
Notamment cité dans VALLOT Henri. La Commission de Topographie du Club Alpin Français en 1906-1907. La Montagne, janvier 1908, IV, 1, p. 43.
Voir supra, partie 3, chapitre 1.1.2.