2.2.3. L’émergence d’officiers topographes spécialisés dans les levés alpins.

2.2.3.1. Des carrières dans les Alpes.

Les effectifs des brigades topographiques alpines, comme ceux de toutes les autres brigades de levés de précision, étaient formés d’une partie minoritaire de topographes professionnels, officiers du génie servant de façon permanente au Service géographique de l’armée qui constituaient l’encadrement des brigades, et d’une partie majoritaire de topographes débutants, officiers détachés d’autres armes (principalement l’infanterie et l’artillerie) pour servir un an ou plus au sein du SGA. Mais contrairement aux autres régions, dans lesquelles des brigades de sous-officiers rengagés se chargeaient des levés de rattachement entre les plans directeurs depuis 1903984, ces levés furent, dans les Alpes, assurés par la même brigade qui levait les plans directeurs, ce qui permit une spécialisation d’une partie des officiers assurant son encadrement.

Le tableau suivant donne la liste des officiers et sous-officiers ayant levé les plus grandes surface dans la région couverte par mon corpus, entre 1900 et 1939 (tableau 11). Par « levé » est entendu tout travail de terrain autre que la révision : les dessins de rochers et de glaciers exécutés sur le terrain sont donc compris, les compléments de levés photographiques également. La limite a été fixée à vingt coupures, soit 1,5 % du total de coupures couvertes par les travaux, très largement au-dessus de la médiane et même du troisième quartile985.

Tableau 11 : Officiers et sous-officiers ayant couvert les plus grandes surfaces pour des travaux sur le terrain (sauf révision) dans les Alpes du nord, entre 1900 et 1939.
Officiers ou sous-officiers
(grades)
Début Fin Durée (années) Surface (coupures) Proportion de la surface total
André Mourand
(maréchal des logis, sergent, adjudant)
1929 1936 7 21 1,44 %
Cassaigne
(officier d’administration, lieutenant)
1900 1912 9 32 2,19 %
Robert Tiercin
(maréchal des logis, adjudant, adjudant chef, sous-lieutenant)
1926 1938 11 37 2,53 %
Marcel Mourand
(maréchal des logis, sergent, adjudant)
1927 1936 10 38 2,60 %
André Saupin
(maréchal des logis, sergent, adjudant)
1929 1939 10 41 2,81 %
David
(lieutenant)
1934 1936 3 49 3,36 %
Charles Coulon
(officier d’administration)
1900 1913 14 68 4,66 %
Joseph Recordon
(capitaine)
1922 1934 7 78 5,34 %
Sous-total       364 24,93 %
Autres       1096 75,07 %
Total       1460 100 %

Les huit officiers ainsi sélectionnés levèrent 364 coupures, soit presque un quart (24,93 %) de la surface totale levée par les deux cent un officiers. Sans présenter nécessairement de prédisposition ou de vocation pour la topographie alpine, ils devinrent dans les faits, de par leur expérience, de véritables spécialistes. A l’exception du lieutenant David qui effectua seulement trois années de travail dans les Alpes, consacrées essentiellement aux levés photographiques terrestres, ils menèrent d’ailleurs une partie importante de leur carrière dans les Alpes du nord : entre sept et treize ans, alors que la moyenne sur l’échantillon étudié est de deux ans, la médiane d’un an et le troisième quartile de deux ans, sans que les années éventuellement passées dans les Alpes du sud ne soient quantifiées. Tous faisaient partie du cadre permanent du SGA. L’évolution des grades montre d’ailleurs comment le nouveau statut instauré en 1914 pour les sous-officiers détachés permit au service de fixer le personnel le plus compétent : sur les huit officiers présentés dans le tableau, la moitié avait commencé au SGA au grade de maréchal des logis et s’inscrivait donc dans les carrières ouvertes par ce statut.

Notes
984.

Voir supra, partie 2, chapitre 3.4.2.3.

985.

1 460 coupures par 201 officiers différents, soit une moyenne de 7,3 coupures par officiers, mais une médiane de 4 et un troisième quartile de 7.