2.2.3.2. Une spécialisation involontaire.

La spécialisation de ces quelques officiers n’était pas volontaire : elle procédait uniquement de la réaffectation systématique de certains chefs ou opérateurs dans les brigades alpines. Mais dès 1907, les rapports du SGA faisaient une différence entre des « topographes de montagnes éprouvés » et des « topographes de montagne débutants »986. Considérés comme des topographes professionnels, ces huit officiers se voyaient donc confier les tâches les plus complexes : la préparation des levés (triangulation complémentaire), la direction des brigades987, et les levés dans les zones les plus difficiles à parcourir (carte 17). Une partie d’entre eux se spécialisa d’ailleurs dans les levés photographiques, qui furent initialement utilisés comme une méthode perspective plus précise pour lever les régions inaccessibles. Par leur longue expérience de la topographie alpine, ils étaient logiquement plus aptes à mener des essais sur de nouvelles méthodes que des officiers détachés pour quelques années seulement au SGA et formés uniquement aux méthodes classiques du levé à la planchette. Entre 1911 et 1939, cinq de ces huit officiers couvrirent ainsi les trois quarts de la surface concernée par les opérations de terrain des premiers levés photographiques terrestres (tableau 12).

Carte 17 : Travaux de terrain des officiers du SGA les plus actifs dans les Alpes du nord, entre 1900 et 1939*.
Carte 17 : Travaux de terrain des officiers du SGA les plus actifs dans les Alpes du nord, entre 1900 et 1939*.

* Plus la couleur est foncée, plus le nombre de travaux est important sur la coupure représentée.

Tableau 12 : Répartition par officier des surfaces couvertes par les opérations de terrain des levés photographiques terrestres entre 1911 et 1939*.
Officiers ou sous-officiers Début Fin Durée (années) Surface (coupures) Proportion du total
Hubel 1924 1924 1 1 0,47 %
André Saupin 1931 1931 1 9 4,23 %
Marcel Mourand 1931 1931 1 14 6,57 %
Marcel Barrère 1927 1928 2 15 7,04 %
Charles Coulon 1911 1913 4 28 13,15 %
inconnu 1914 1937 5 34 15,96 %
David 1934 1936 3 39 18,31 %
Joseph Recordon 1922 1934 7 73 34,27 %
Sous-total officiers « spécialistes » 163 76,53 %
Sous-total autres officiers 50 23,47 %
Total 213 100 %
* Les lignes grisées correspondant à aux officiers non représentés dans le tableau 6.

Ce fut également à certains de ces officiers que furent confiés les travaux de révision de la représentation du rocher au début des années trente (Robert Tiercin, Cassier, André et Marcel Mourand)988. Tous étaient devenus des alpinistes par obligation professionnelle : aucun d’entre eux ne fut jamais membre du Club alpin français. Seul le capitaine Recordon fut admis à la Commission des travaux scientifiques, grâce à l’ampleur de ses travaux dans les Alpes et probablement à ses relations privilégiés avec certains alpinistes comme Armand Charlet et Henry de Ségogne qui servirent de guides dans sa brigade. Ceci illustre encore à quel point les rapports entre le SGA et la Commission restèrent toujours plus institutionnels et mondains que véritablement techniques et pratiques.

Notes
986.

Rapp. SGA 1907, p. 18.

987.

Rapp. SGA 1906, p. 18.

988.

Voir supra, partie 3, chapitre 2.2.2.4.