2.2.2.3. L’exemple de Joseph Recordon.

N’ayant pas pu accéder aux dossiers du personnel conservés par l’Institut géographique national, je n’ai pu recueillir que très peu de détails sur les spécificités des carrières de ces officiers topographes alpins. Heureusement, grâce à une notice publiée dans le Bulletin d’information de l’Association des ingénieurs géographes 989 , j’ai pu obtenir quelques informations sur la carrière du plus actif d’entre eux : Joseph Recordon. En certains points, elle me semble exemplaire de celle de tous les topographes alpins du Service géographique de l’armée, notamment dans l’absence de vocation alpine.

En effet, bien que né à Annecy le 2 octobre 1893, Joseph Recordon n’avait jamais fait d’alpinisme avant d’être détaché au SGA après la guerre. Il y effectua deux campagnes de levé à la planchette en France en 1920 et 1921, puis fut affecté en 1922 au Service de la photographie, qu’il dirigea d’ailleurs en 1931-1933 et 1938-1939. Il y reprit en 1922 les levés photographiques terrestres dans les Alpes, arrêtés en 1914. Son initiation à l’alpinisme fut facilitée par la présence dans son équipe de porteurs d’Armand Charlet, futur célèbre guide chamoniard, et d’Henry de Ségogne, alpiniste émérite qui lui servit sans grand enthousiasme de secrétaire, les brigades de préparation photographique ne disposant jusqu’en 1928 d’aucun adjoint technique, le chef de brigade étant l’unique opérateur. Il gravit ainsi pendant ses campagnes de nombreux sommets au-dessus de trois milles mètres, par exemple pendant des stations à la Pointe Puiseux (3 946 mètres) et la Pointe Durand (3 932 mètres) en 1926, ou à la rimaye de la Brèche Lory (3 965 mètres) en 1924. Diplômé de l’Institut électrotechnique de Grenoble, il appliqua ses connaissances techniques au développement des levés photographiques terrestres jusqu’à la fin des années trente, et forma les premiers restituteurs professionnels comme Lecuellé et Toutan990. Sa connaissance toujours plus grande du terrain et ses qualités de dessinateur le désignèrent également pour la représentation du rocher sur certaines des feuilles les plus difficiles des Alpes, la Grave et St-Christophe-en-Oisans, et lui permirent de devenir membre de la Commission de toponymie du SGA puis de l’IGN.

Notes
989.

BARRERE Marcel. L’Ingénieur en Chef Géographe J. Recordon, topographe alpin. Bulletin d’information de l’Association des Ingénieurs Géographes, novembre 1961, 7, 21, p. 85-90.

990.

Voir infra, partie 3, chapitre 3.3.3.