2.3.2. Influences et collaborations des topographes-alpinistes.

2.3.2.1. Une influence topographique très limitée.

Contrairement aux données géodésiques, le SGA n’exploita que très rarement des données topographiques issues des travaux des membres de la Commission de topographie du CAF. Dans mon corpus, seules quatre feuilles de l’édition en noir et blanc et en coupure double de la carte de France au 1 : 20 000 indiquent l’utilisation de données tirées de cartes de topographes-alpinistes : Chamonix n°1-2, Chamonix n°5-6 et Mont Blanc n°1-2 (édition normale et édition militaire). Certaines zones de ces feuilles, publiées en 1940 pour répondre aux besoins de la mobilisation, étaient signalées comme ayant été dressées à partir des cartes du massif du Mont Blanc au 1 : 20 000 et au 1 : 50 000 d’Henri, Joseph et Charles Vallot. Cependant, le rapport d’activité du SGA de 1930-1931 rapportait aussi l’utilisation de données de la Carte de la vallée de Sales et du cirque des Fonts de Robert Perret993. Les éditions suivantes des mêmes feuilles utilisèrent uniquement les levés photographiques terrestres et aériens de cette région, commencés par le SGA à la fin des années trente et poursuivis par l’IGN dans les années quarante.

L’exploitation des œuvres des topographes-alpinistes fut strictement limitée à ce cas d’urgence militaire. Le SGA n’utilisa sinon que les levés topographiques exécutés par ses propres brigades, parce que la nature de ces opérations étaient intimement liées aux spécifications de la carte à réaliser, mais aussi parce que le service ne connut jamais de problèmes de financement aussi aigus pour les levés topographiques que pour les opérations géodésiques – en partie parce qu’il était plus facile de recruter des opérateurs topographiques dans les autres armes. Je pense que l’aspect symbolique de l’acte cartographique jouait également un rôle dans ce refus d’exploiter les travaux topographiques des alpinistes : utiliser ces travaux aurait signifié que le SGA abandonnait son autorité comme producteur officiel et unique de l’information topographique pour le territoire, une position qui était au cœur de l’opposition structurelle entre les deux organismes.

Dans le domaine topographique, les rapports entre le SGA et les topographes-alpinistes se réduisirent donc à une influence limitée dans les méthodes et techniques employées. Si la première Commission de topographie du CAF se vanta parfois d’avoir participé à l’adoption des levés photographiques par le SGA – une affirmation aussi prétentieuse qu’exagérée994–, la seule véritable utilisation que le SGA fit de techniques développées par des topographes-alpinistes fut celle, extrêmement ponctuelle, de l’orographe de Franz Schrader. En effet, dans la dynamique d’instrumentation des levés topographiques insufflée par le colonel Goulier, les officiers-topographes eurent recours à l’orographe pour réaliser des vues perspectives des régions inaccessibles qui soient plus géométriques que de simples croquis, même s’ils estimaient que « cet instrument [était] plus propre à des levés plus sommaires et à moins grande échelle »995. Les tours d’horizon ainsi obtenus étaient appuyés sur des mesures de pentes, prises au tachéomètre ou à l’alidade holométrique, et complétés par des croquis et des vues photographiques documentaires des masses rocheuses et des glaciers, pour permettre leur figuration expressive par le dessinateur.

Notes
993.

Rapp. SGA 1930-31, p. 17.

994.

Voir infra, partie 3, chapitre 3.3.2.

995.

Rapp. SGA 1903, p. 13.