Chapitre 3. La photogrammétrie terrestre, une technique de transition vers l’industrialisation de la topographie.

L’émulation provoquée par la concurrence entre le Service géographique de l’armée et les topographes-alpinistes réunis dans la Commission de topographie du Club alpin français entraîna un développement particulièrement important des levés topographiques dans les Alpes du nord. Privilégiée pour des raisons stratégiques dans la répartition des travaux, cette région fut érigée en véritable laboratoire d’expérimentation des nouvelles techniques de levé pour des raisons géographiques qui la rendaient particulièrement difficile à couvrir avec les méthodes classiques. Elle offre donc un point de vue pertinent sur l’évolution technique fondamentale qui permit l’industrialisation croissante des procédés topographiques, principalement avec l’adoption des levés photographiques terrestres et aériens. Envisagée assez rapidement après son invention, l’utilisation de la photographie pour les levés topographiques avait été étudiée et en partie formalisée par le colonel Laussedat, mais sans connaître d’applications pratiques importantes en France. Adaptée par Henri Vallot pour les besoins des topographes-alpinistes, sa méthode reposait sur un mélange laborieux de calculs et de constructions graphiques. Le SGA ne s’intéressa d’ailleurs aux levés photographiques qu’après la mise au point en Allemagne d’un instrument permettant la mécanisation de l’exploitation des clichés. La méthode connut alors un développement rapide pour les levés alpins du service, à la fois parce qu’elle n’était efficace que dans les régions de haute montagne, et à la fois parce que la nouvelle répartition des opérations géodésiques et topographiques dans la méthode des levés de précision créait un socle favorable à son adoption. En offrant les premières possibilités de division et d’automatisation du travail, cette méthode constituait une transition technique fondamentale vers l’industrialisation de la cartographie topographique.