En même temps que la mise au point du phototachéomètre, Henri Vallot avait décidé de simplifier l’application de la méthode Laussedat au bureau. Les véritables difficultés pratiques résidaient en effet moins dans les opérations de terrain que dans la restitution des photographies, qui nécessitait de nombreux calculs et de délicates constructions graphiques. Bien qu’Henri Vallot ait toujours revendiqué sa fidélité à la méthode graphique employée par Laussedat et Javary, dont il affirma avoir seulement fait une « mise au point », et la proximité de son approche avec celle d’Edouard-Gaston Deville, ancien officier de la marine française devenu chef du Service topographique canadien et auteur d’un manuel sur les levés photographiques1059, son adaptation donna naissance à une méthode originale qui fut appelée méthode Laussedat-Vallot.
Contrairement aux nombreux calculs effectués par Laussedat ou à l’utilisation d’instruments de restitution complexes envisagée par Deville1060, Henri Vallot préconisa toujours des instruments simples, « la règle à dessin, […] la règle à calculs, et […] quelques “bouts de carton” », et le rejet de « l’emploi des calculs numériques et [de] l’usage des instruments coûteux et compliqués qui sont plus ou moins en faveur à l’étranger »1061. Pour identifier et déterminer un point, il utilisait entre trois et cinq clichés photographiques sur lesquels étaient mesurées à la loupe l’abscisse et l’ordonnée, dans un système à deux axes dont l’origine se trouvait au foyer focal. Il calculait ensuite l’altitude de ce point grâce aux lois de la perspective, puis le reportait par des constructions graphiques sur un dessin au 1 : 20 000. Finalement, les photographies servaient aussi de façon strictement documentaire à la représentation du rocher à l’effet.
« La définition de la position et de l’altitude d’un seul point résultait au minimum de trois directions graphiques et de dix-huit lectures », et nécessitait « une observation ininterrompue à travers la loupe, une main toujours légère et précise, une attention soutenue »1062, ainsi qu’une grande connaissance du terrain pour identifier les points sur les photographies et reconnaître les lignes caractéristiques à reporter sur le dessin. Pour la carte du massif du Mont Blanc, Henri Vallot restituait une moyenne de soixante-quinze à cent points par kilomètres carrés pour le tracé des courbes, et de cent vingt à cent cinquante points pour le dessin du rocher1063. Hormis les calculs d’altitude et de mise à l’échelle, toutes les opérations étaient effectuées manuellement par des mesures et constructions graphiques. La connaissance du terrain et l’habileté manuelle nécessaires faisaient de la méthode Laussedat-Vallot, plus encore que la méthode Laussedat dont elle dérivait mais qui multipliait les calculs pour limiter les mesures graphiques, un procédé essentiellement artisanal dans lequel les qualités de l’opérateur jouaient un rôle beaucoup plus important que la formalisation du procédé lui-même.
DEVILLE Edouard-Gaston. Photographic surveying, including the elements of descriptive geometry and perspective. Ottawa : Impr. du Gouvernement, 1895.
Voir infra, partie 3, chapitre 3.3.1.
VALLOT Henri, VALLOT Joseph. Applications de la photographie. Op. cit., p. XIV.
PELLETIER Monique. Photographie et méthodes de lever du relief. Op. cit., p. 147.
Ibid..