3.3.2. L’adoption de la stéréotopographie au SGA.

3.3.2.1. Une méthode rejetée jusqu’en 1910.

Créée pour expérimenter la méthode Laussedat, la Brigade d’étude photographique ne fut jamais reformée après sa suppression provoquée par la guerre de 1870. Les différents essais qu’elle avait menés n’avaient concerné que des plans à des échelles supérieures au 1 : 10 000, et les maigres ressources du Dépôt des fortifications, puis de la Brigade des levés de précision au sein du Service géographique de l’armée, furent consacrées en priorité aux levés des plans directeurs dans les régions de l’est de la France. La méthode des levés de précision1088 semblait suffisamment satisfaire les besoins militaires en terme d’efficacité, de rendement et de précision, pour qu’il ne soit pas envisagé de reprendre des expérimentations qui, si elles avaient été concluantes du point de vue qualitatif, avaient également montré la longueur des opérations nécessaires à la restitution des photographies.

Jusqu’au début du 20e siècle, le credo topographique du Service géographique de l’armée était que pour les zones accessibles, les levés directs restaient plus simples à mettre en œuvre de façon systématique, et que pour les zones inaccessibles, les procédés classiques d’intersection suffisaient à une représentation qui n’avait pas besoin d’être trop détaillée. Comme nous l’avons vu1089, si la brigade des Alpes eut très ponctuellement recours à l’orographe dans certaines régions jugées favorables au procédé perspectif, les textes officiels assuraient que les levés directs étaient privilégiés dans la plus grande partie possible des surfaces couvertes. Les photographies n’étaient utilisées que dans un but documentaire, pour aider à la représentation du terrain, et en particulier du rocher, lors de la mise au net au bureau.

Le rapport d’activité de 1903 donne un exposé particulièrement claire de la position du SGA par rapport aux levés photographiques :

‘« Nulle part jusqu’à présent, dans la région dont nous parlons [les Alpes], il n’est apparu qu’on aurait trouvé avantage à faire appel à la photogrammétrie. Ce n’est pas ici le lieu de mettre en balance dans une discussion théorique ses mérites et ses défauts. Du moins convient-il de déclarer, en toute impartialité, que le nombre des cas rencontrés qui eussent pu lui être propices a paru assez restreint, et qu’on en a constaté au contraire une notable quantité où elle eût été manifestement, soit impraticable, soit non praticable : car il faut considérer comme rédhibitoires en topométrie les cas où la somme de travail qu’exige un procédé est hors de proportion avec le résultat qu’on a besoin d’obtenir. L’expérience des conditions de travail propres à la topographie à grande échelle en montagne, exécutée en quelque sorte industriellement comme c’est le rôle d’une brigade topographique, ne porte point à penser que le levé par la photographie, avec sa complexité d’organisation, ses sujétions de toute sorte et ses cas d’impuissance, eût fourni, en l’espèce, des résultats supérieurs comme homogénéité dans la précision utile, fidélité dans le rendu topoplastique, simplicité dans les moyens mis en œuvre, régularité de marche du travail, utilisation du personnel et du temps. »1090

En insistant sur des problématiques explicitement qualifiées d’industrielles, en particulier la complexité de mise en œuvre de la photogrammétrie, ce texte souligne l’influence potentielle des instruments de restitution dans l’analyse et la position du SGA. D’ailleurs, celui-ci ne reprit les expérimentations de levés photographiques qu’une fois qu’il disposa d’un stéréocomparateur.

Notes
1088.

Voir supra, partie 2, chapitre 4.

1089.

Voir supra, partie 3, chapitre 2.2.2.3.

1090.

Rapp. SGA 1903, p. 13-14.