3.3.3.3. Un procédé complémentaire et encore artisanal.

L’emploi de la stéréotopographie terrestre resta limité aux seuls levés alpins du SGA. Les spécialistes s’accordaient depuis longtemps à dire que la méthode était particulièrement efficace dans les régions accidentées, d’abord parce qu’elle permettait de lever des zones inaccessibles avec une précision supérieure aux autres méthodes perspectives, ensuite parce que les points de vue élevés et l’étalement plus marqué des plans facilitaient la restitution des clichés. Malgré tout, le SGA avait effectué, « en 1929, des essais de levé par ces mêmes méthodes en régions moins accidentées (Lorraine) [qui] avaient montré qu’elles devenaient désavantageuses quand le terrain [n’offrait] pas de dénivellations suffisantes, permettant des vues étendues »1110.

D’un emploi finalement très spécifique, la stéréotopographie terrestre ne sortit jamais au SGA d’une utilisation essentiellement complémentaire aux méthodes classiques, contrairement aux services topographiques suisses, autrichiens ou italiens qui en avaient développé une utilisation plus systématique dans les années vingt, favorisée par une proportion beaucoup plus importante de régions montagneuses sur leur territoire. Le SGA ne chercha d’ailleurs à améliorer le rendement de la méthode que par un effort d’équipement, rapidement arrêté par l’investissement privilégié dans la photographie aérienne. Si en 1929, il acquit son propre stéréoautographe, l’investissement ne fut jamais renouvelé et cet unique instrument, utilisé par deux équipes, sept heures par jour chacune, ne permit jamais de restituer plus que l’équivalent de la surface d’une feuille au 1 : 50 000 par année. Le SGA continua donc à utiliser les services de la SFS pour la restitution des clichés pris par ses brigades photographiques.

Dans son principe même, la méthode n’avait connu aucun perfectionnement important – autre signe de sa nature complémentaire. Depuis les essais de 1911-1914, les limites de la restitution étaient connues : selon les restituteurs et le terrain levé, 10 à 25 % de la surface n’était pas couverte par la restitution. Des opérations de complètement furent donc mises en place au sein des brigades de levés classiques, puis de brigades de complètement spéciales dès 1934. De plus, le travail au stéréoautographe donnait dans certaines conditions des courbes accolées ou inexpressives, qui nécessitaient que des zones pourtant couvertes par la restitution soient également révisées et complétées. Enfin, les levés photographiques eux-mêmes nécessitaient de parcourir le terrain et d’atteindre les points élevés qui étaient les plus propices aux bases stéréoscopiques. Même si la division du travail et sa mécanisation partielle participait à un début d’industrialisation des levés topographiques, elle était fortement limitée par toutes ces contraintes qui nécessitaient une succession d’opérations (prises de vues, complètement, dessins topographiques) dans lesquelles la connaissance du terrain et les contingences (mauvais temps, lumières, etc.) jouaient un rôle important. La remarquable insertion des levés photographiques dans un processus bien établi qui laissait une place importante à la compétence individuelle, en particulier dans la couverture des régions montagneuses, et la reconnaissance du petit nombre d’officiers spécialisés dans cette méthode pour des compétences qui dépendaient moins des techniques employées que de leur connaissance du terrain, montraient bien à quel point la mise en œuvre de la stéréotopographie terrestre restait artisanale au SGA.

Notes
1110.

Le SGA. Op. cit., p. 156.