4.1.2.2. La polychromie comme réponse à l’ambition d’universalité.

Afin que la nouvelle carte réponde au maximum de besoins, le SGA avait défini les spécifications du type 1900 pour que le dessin intègre une grande quantité de détails spéciaux susceptibles d’être utiles aux administrations et dont l’absence avait justement été critiquée dans la carte d’état-major. Ces détails prirent essentiellement la forme de signes conventionnels indiquant les structures administratives comme les mairies, les gendarmeries, les bureaux de postes, etc. Mais assez paradoxalement, et toujours en réaction aux critiques faites à la carte d’état-major, cette surcharge de détails s’accompagnait aussi d’une volonté d’amélioration de la lisibilité. Déjà expérimentée avec succès dans certaines cartes dérivées du 1 : 80 0001130, la polychromie devait permettre de faciliter la lecture d’une carte particulièrement dense en détails.

Si la reproduction des minutes au 1 : 10 000 et 1 : 20 000 restait monochrome1131, le SGA considérant que leur grande échelle évitait la plupart des problèmes de lisibilité provoqués par la confusion entre les courbes de niveau et les traits planimétriques, il adopta pour la carte au 1 : 50 000 une représentation en huit à douze couleurs selon les régions représentées. Celles-ci nécessitaient quatorze planches de tirage :

‘« - 2 rouges (un pour les chiffres de population, un pour les constructions) ;
- 2 noirs (noir franc pour les écritures, en caractères à pleins et déliés, noir rompu pour le reste de la planimétrie) ;
- 3 bleus (un pour le trait, un pour la lettre, un pour les plans d’eau) ;
- 3 verts (un pour les bois, un pour les vergers, un pour les prairies, broussailles, pâturages, etc…, chaque type de culture comportant dans sa couleur un signe conventionnel particulier) ;
- violet (vignes) ;
- bistre (courbes de niveau à l’équidistance de 10 m. quelle que soit la région) ;
- 2 estompages (zénithal en bistre, oblique en gris-bleuté). »1132

Cette multiplication des couleurs donnait un aspect particulièrement riche aux feuilles du type 1900 (annexe 2, figure 12). Bien que la représentation du relief soit géométrique, je trouve que les rares feuilles alpines offrent une impression générale très picturale, se rapprochant plus, par la subtilité du dessin, des couleurs et des effets de lumière, des cartes-tableaux de la fin du 19e siècle (Viollet-le-Duc, Imfeld et Kurz, Schrader), que des plans directeurs monochromes destinés aux utilisations techniques. De plus, l’emploi d’un papier de grande qualité, épais et relativement rigide, accentuait ce caractère pictural, confirmant mon impression d’une carte avant tout conçue comme une illustration plutôt qu’un outil. Sa nature figurative était également marquée par le recours à la combinaison de deux estompages différents pour rehausser les courbes de niveau, afin de donner un rendu plus expressif du modelé du terrain.

Notes
1130.

Voir supra, partie 2, chapitre 3.3.3.1.

1131.

Elle pouvait ainsi être exécuté par le procédé simple de reproduction des dessins par héliogravure sur papier dioptrique.

1132.

ALINHAC Georges. Cartographie ancienne et moderne. T.2. Op. cit., p. 60.