Dès la deuxième moitié du 19e siècle, les topographes suisses avaient acquis une réputation flatteuse avec la Topografische Karte der Schweiz, aussi appelée « carte Dufour », du nom du chef du Bureau topographique fédéral de 1838 à 1865, qui avait dirigé sa réalisation. Publiée en vingt-cinq feuilles au 1 : 100 000 entre 1842 et 1864, elle fut « considérée comme le chef-d’œuvre de la cartographie utilisant les hachures avec éclairement oblique »1158. Mais le talent des topographes suisses s’imposa définitivement avec l’Atlas topographique, aussi appelée « Atlas Siegfried » du nom du successeur de Dufour de 1865 à 1879. Publié au 1 : 25 000 et au 1 : 50 000 à partir de 1870, il proposait une remarquable représentation des zones rocheuses, abondantes sur le territoire suisse.
Soutenus par le Club alpin suisse, les levés originaux furent utilisés pour dresser des cartes louées dans toute l’Europe pour leur lisibilité et leur expressivité. Le relief y était représenté par des courbes de niveau de couleur bistre, avec une trame de signes conventionnels noirs pour les zones rocheuses peu déclives, ou bleus pour les glaciers, alors que les masses rocheuses particulièrement pentues étaient représentées à l’effet, en noir, par un dessin perspectif reproduisant la disposition particulière du rocher en projection horizontale. Sans estompage, les feuilles de l’Atlas Siegfried donnait une vision claire et lisible du relief, tout en conservant une expressivité liée à un dessin du rocher et à un tracé des courbes de niveau particulièrement travaillés.
En France, les topographes-alpinistes les plus influents, comme Franz Schrader et Henri Vallot, se réclamèrent systématiquement de ce que j’appellerai le « modèle suisse »1159. A l’exception de la première carte du Mont Perdu de Schrader en 1874, toutes leurs véritables cartes topographiques (c’est-à-dire autres que les schémas topographiques et les cartes-croquis) adoptèrent une représentation topographique basée sur trois éléments dérivés des cartes suisses : des courbes de niveau en bistre et parfois en noir pour les zones rocheuses peu déclives, un dessin à l’effet du rocher, et l’emploi du bleu pour les glaciers (soit directement pour les courbes elles-mêmes, soit pour un signe conventionnel ou une représentation à l’effet sur ces courbes). Le Service géographique de l’armée reprit également ces éléments : s’ils étaient plus ou moins enrichis dans les types 1900 et 1922 de la carte de France au 1 : 50 000 (planche de vert, estompage, etc.), ils constituaient l’essentiel de la représentation cartographique sur la carte de France au 1 : 20 0001160.
Images de la montagne. Op. cit. Cinquième partie : Techniques de représentation de la montagne sur les cartes topographiques, p. 67.
Voir annexe 2, figure 11 : reproduction d’un détail de la feuille Argentière de la carte du massif du Mont Blanc au 1 : 20 000 des Vallot, parfait exemple du modèle suisse.
Voir supra, partie 3, chapitre 4.2.1.3.