4.2.3.3. L’influence des topographes-alpinistes sur les travaux du SGA.

Malgré les efforts du SGA, la figuration du rocher sur les feuilles alpines du type 1900 fut sévèrement critiquée par les membres de la Commission de topographie du CAF, représentants autoproclamés des préoccupations cartographiques des alpinistes. Avec la toponymie et le nombre de cotes d’altitude, ce fut l’un des sujets les plus abordés lors de la fameuse séance de critique de la feuille Tignes de la nouvelle carte de France1173. D’une façon générale, les membres de la Commission trouvaient le dessin du rocher « inexpressif »1174 et « faiblement traité »1175, représenté comme un signe conventionnel, alors qu’il faudrait « traiter la haute montagne comme un portrait, et non comme un simple schéma »1176. Ils rejetaient en particulier la nouvelle organisation adoptée par le SGA, dans laquelle le dessin était exécuté au « cabinet, par un dessinateur peut-être habile, mais qui, n’ayant jamais vu le terrain et n’ayant probablement à sa disposition ni photographies, ni croquis perspectifs, ni renseignements d’aucun genre [ce qui n’était en fait pas le cas], ne saurait prétendre à faire ressemblant »1177. Seul Léon Maury, l’un des deux officiers participant à la séance, relativisait ses critiques par la finalité de la carte de France, soulignant que « le dessin du rocher [était] d’importance relativement secondaire, sauf au point de vue de l’alpinisme » et qu’« à ce point de vue, la seule chose qui [paraissait] indispensable [fut] qu’il [fût] facile à lire »1178 – ce qui n’était malheureusement pas le cas selon lui.

Partagés entre la potentialité d’une approche rigoureusement scientifique du dessin du rocher et le désir de voir persister une approche artistique et figurative, les membres de la Commission émettaient cependant un avis unique en se prononçant pour la nécessité de recourir à des spécialistes pour ce travail – notamment eux-mêmes. Leur activité de lobbying auprès du SGA ne fut pas sans effet. Alors qu’il paraissait relativement satisfait avant la guerre de la méthode adoptée en 1907, ce dernier changea radicalement d’orientation au début des années vingt, jugeant rétrospectivement « insatisfaisante » une organisation qu’il qualifiait de « provisoire »1179. J’interprète ce changement soudain par la double influence de la Commission de topographie, que le SGA consulta sur les problèmes de représentation du rocher, et de la publication de la nouvelle carte de France au 1 : 20 000, qui demandait de prendre en compte les besoins techniques et touristiques en plus des seuls besoins militaires considérés pour les plans directeurs. Une série d’expérimentations fut alors consacrée à la représentation des massifs rocheux, marquée par le début de l’automatisation du tracé des courbes de niveau1180.

Notes
1173.

Voir supra, partie 3, chapitre 1.2.3.1.

1174.

PV Com. Topo. CAF. Séance du 8 mars 1912, p. 28.

1175.

Ibid., p. 22.

1176.

Ibid., p. 14.

1177.

Ibid., p. 14-15.

1178.

Ibid., p. 20.

1179.

GENDRE F. La feuille de « La Grave ». Op. cit., p. 251.

1180.

Voir infra, partie 3, chapitre 4.3.