Le SGA se trouvait partagé entre les partisans d’une représentation topométrique du rocher, basée sur l’emploi unique des courbes de niveau, et les partisans d’une représentation plus artistique, basée sur un rendu à l’effet inspiré des caractéristiques géologiques des massifs rocheux. Cependant, aux échelles inférieures au 1 : 10 000, la représentation géométrique détaillée en projection horizontale d’éléments topographiques quasiment verticaux tenait – et tient toujours – de la quadrature du cercle. Le SGA reconnaissait que « le problème de la représentation des parties rocheuses [était] pour ainsi dire insoluble » et prêtait à « des conceptions très diverses », si bien qu’ « en dépit des progrès qu’il [pourrait] réaliser dans la figuration des hautes régions, [il devait] renoncer […] à donner entière satisfaction à toutes les catégories d’intéressés, aux alpinistes, aux géologues, aux glaciologues, etc. »1199 Mais comme les cartes de France au 1 : 20 000 et 1 : 50 000 étaient explicitement destinées à satisfaire tous les publics, et que la diversité des utilisateurs s’était accrue depuis le 19e siècle, la question ne fut pas tranchée de façon aussi nette que pour la carte d’état-major qui ne devait prendre en compte que les utilisations militaire et administratives.
Dans la deuxième moitié des années vingt, en plus des expérimentations de 1923-1925, le SGA étudia les autres publications alpines reconnues pour la qualité de leur représentation de la haute montagne : les cartes suisses et autrichiennes, ainsi que les œuvres de Franz Schrader, des Vallot et de Robert Perret. Il demanda également l’avis de la Commission des travaux scientifiques du Club alpin français, dont les membres compétents se prononcèrent naturellement pour une figuration à l’effet confiée à des spécialistes, après avoir étudié et détaillé les qualités et défauts des courbes restituées au stéréoautographe :
‘« A la suite de la longue discussion qui eut lieu à la Commission scientifique du Club Alpin Français, qui tint presque trois séances et à laquelle prirent part Paul Girardin, Paul Helbronner, Wilfrid Kilian, Emmanuel de Margerie, Emmanuel de Martonne, le Commandant Maury, le Lieutenant-Colonel Noirel, Robert Perret, etc., il fut admis que le stéréoautographe rendait bien les grands épaulements, les hauts pâturages, et qu’il les donnait même avec une délicatesse qu’aucun autre procédé ne saurait égaler, mais qu’il ne pouvait suppléer la planchette pour les fonds de ravins escarpés ou les parcours sous bois et qu’il était nettement inférieur à la méthode photogrammétrique normale inventée par Laussedat, perfectionnée par Deville et par Henri Vallot, pour le rendu des masses rocheuses ; ce dernier procédé étant par contre moins rapide au bureau et plus onéreux. Le stéréoautographe ne traduit pas exactement par ses courbes la forme aiguë du rocher en haute montagne et ce défaut est dû à ce que c’est un instrument soumis à des forces d’inertie et qu’il y a un retard dans le tracé du style, donc un certain flottement de la courbe. »1200 ’Finalement, le SGA choisit d’adopter un compromis entre les représentations géométrique et artistique. Il fixa donc « une formule qui, tout en conservant à la carte son caractère de levé précis, [paraissait] devoir conduire à une figuration suffisamment expressive du rocher »1201. Ses principes généraux étaient les suivants :
‘« La minute du levé, obtenue par restitution stéréoautographique ou par levé direct à la planchette, est exécutée entièrement en courbes de niveau. La représentation en courbes, avec pour le rocher une couleur différente de celle appliquée au terrain meuble, est employée jusqu’à une pente limite (65 grades environ ou 160 %) au-dessus de laquelle est réservée la mise à l’effet au moyen de hachures.Selon moi, ces nouvelles règles étaient justifiées par un ensemble complexe de raisons, parmi lesquelles l’influence encore forte des topographes-alpinistes et de leur préférence pour une représentation à l’effet du rocher donnant la structure locale de chaque masse rocheuse, mais aussi les limitations techniques du stéréoautographe, la conception généraliste des cartes de France, et l’existence au SGA d’un groupe informel de topographes alpins capables d’établir un dessin expressif du rocher.
Rapp. SGA 1924-25, p. 34-35.
Travaux du Service Géographique de l’Armée dans les Alpes en 1925. La Montagne, 22, n°188, janvier 1926, p. 25-26.
GENDRE F. La feuille de « La Grave ». Op. cit., p. 253.
Ibid., p. 253-254.