1.1.3.2. Les conséquences d’une réforme incomplète sur l’activité du SGA pendant la guerre.

En s’opposant à la réforme du statut du SGA, l’Etat-major de l’armée pensait garder le contrôle sur celui-ci, mais il empêchait également l’affirmation de l’orientation militaire du service proposé par le rapport Hurault. En particulier, il ne tenait pas compte des remarques sur l’impréparation globale du SGA à la mobilisation. Les conséquences sur l’activité du service pendant la guerre furent très contrastées, avec d’un côté une organisation bien maintenue grâce aux corps permanents, et d’un autre côté la reprise de dispositions anciennes dont la brièveté du conflit ne permit pas de juger la pertinence.

En effet, dès la mobilisation déclarée, le SGA adapta son activité en s’inspirant systématiquement de l’expérience de la première guerre mondiale. Aucune des rares études historiques ne l’a jamais souligné, mais la similitude des mesures prises en 1914-1918 et en 1939 est frappante : des Groupes de canevas de tir aux armées (GCTA) et des Sections topographiques de corps d’armée (STCA) et de division (STD) furent immédiatement formés, des magasins avancés furent organisés, l’effectif fut augmenté, des imprimeries privées réquisitionnées, des centres régionaux créés, du matériel dispensé aux troupes1231. Comme en septembre 1914, quand les armées allemandes pénétrèrent sur le territoire français le 10 mai 1940, les services centraux du SGA évacuèrent la capitale avec le gouvernement. Le service cartographique répéta ainsi des mesures prises au cours de la première guerre mondiale, qui constituaient une innovation en 1915 parce qu’elles rompaient avec les leçons de la guerre de 1870 initialement appliquées en 1914, mais qui n’étaient pas forcément adaptées au nouveau conflit. A mes yeux, la similitude du dispositif cartographique mis en place démontrait l’impréparation du SGA. Elle témoignait aussi de l’absence de renouvellement des conceptions militaires de l’usage des cartes, participant d’une obsolescence plus générale des théories militaires françaises qui expliqua en grande partie la défaite rapide.

En se repliant à Bordeaux, le SGA ne fut pas en mesure d’évacuer tout le matériel lourd, notamment les stocks de cartes et une partie des machines qui furent saisis par les Allemands. L’équipement le plus précieux avait toutefois pu être emmené : des appareils de reproduction et de restitution, les archives techniques et les planches d’impression, soit environ mille tonnes de matériel. A la signature de l’armistice le 25 juin 1940, la partie permanente du personnel militaire qui n’avait pas rejoint les troupes combattantes se trouvait dans une remarquable organisation grâce aux cadres adoptés en 1939. La convention prévoyait que la région de Bordeaux serait occupée par les Allemands et que tout le matériel s’y trouvant serait remis à l’occupant. Le personnel militaire évacua donc la ville pour s’installer à Saint-Bazeille (Lot-et-Garonne), dans la future zone libre, avec plus de trente tonnes de documents et de matériel, alors que le personnel civil restait à Bordeaux avec la charge de veiller sur le matériel de valeur qui y restait entreposé. Quant aux formations topographiques des armées, elles furent regroupées à Montauban avec tout le matériel qu’elles avaient pu sauver. A Paris, les Allemands commencèrent immédiatement à exploiter le stock cartographique en leur possession, afin de dresser des éditions spéciales en allemand, dérivées des cartes françaises1232.

Notes
1231.

Pour l’activité du SGA pendant la guerre, voir : Rapp. IGN 1940-42, p. 11-13 ; SINOIR Alain. 1940-1990 : une histoire mouvementée. Op. cit., p. 5.

1232.

Pour la zone des Alpes du nord, des coupures au 1 : 25 000 furent publiées en 1943. Une édition dérivée de l’amplification photographique au 1 : 50 000 de la carte d’état-major fut également publiée.