1.2.4.2. La supériorité du statut civil pour la direction de l’IGN.

D’après les rapports d’activité de l’IGN, la direction de l’institut n’apprit l’existence du Service géographique militaire en Afrique et des décisions du gouvernement provisoire « qu’à la fin du mois de septembre 1944 lorsque la liaison fut rétablie avec les éléments du Service Géographique Militaire en Afrique qui avaient participé aux opérations de guerre en Italie, en Provence et dans la vallée du Rhône »1259. Le ministère des Travaux publics s’opposa alors à toute modification de l’IGN, en se basant sur un rapport qu’avait fort opportunément rédigé Hurault après la libération de Paris en août 1944, et qui assurait de la supériorité de l’organisation de l’IGN sur celle du SGA d’avant-guerre pour répondre aux besoins cartographiques des services publics.

Même s’il ne l’avait sans doute pas prévue en proposant la création de l’IGN en 1940, la facilité avec laquelle Hurault avait pu mettre en place les réformes profondes que l’Etat-major avait en partie empêchées avant la guerre, l’avait rapidement convaincu de la supériorité du statut civil sur le statut militaire. Transformation opportuniste et pragmatique en 1940, le statut civil apparaissait seulement quatre ans plus tard comme une solution rationnelle aux problèmes récurrents du service cartographique : l’insuffisance des crédits et l’instabilité du personnel spécialisé. En effet, la constitution de corps de fonctionnaires assurait une stabilité plus grande du personnel que ne pouvait – ou ne voulait – le faire l’Armée. Surtout, les besoins importants des services techniques de l’Etat s’opposaient moins à l’augmentation des finances de l’institut que l’administration militaire, qui n’avait aucun intérêt dans une grande partie des travaux « d’intérêt général » du service cartographique, et particulièrement de la carte de France, quand ils couvraient des régions peu stratégiques. Dans son rapport, Hurault se prononçait d’ailleurs pour un rattachement aux Travaux publics plutôt qu’à l’Armée.

Les jugements a posteriori de la direction de l’IGN et des autorités civiles convergeaient pour juger l’adoption du statut civil comme « une réforme qui s’imposait depuis longtemps »1260, alors qu’elle n’avait jamais été envisagée, même une seule fois, avant son application opportuniste en 1940. En ce sens, la rupture fondamentale entre les domaines militaire et civil se fit bien en 1944 : pour la première fois, une direction du service cartographique affirmait que les cartes qu’il réalisait étaient plus utilisées par les services civils, ce qui justifiait son rattachement à un département non militaire.

Notes
1259.

Rapp. IGN 1946, p. 3.

1260.

Ibid.