1.3.1.1. Le retard de la carte de France, moteur de l’investissement.

Comme dans de nombreux autres domaines, depuis la généralisation de l’idéologie du progrès scientifique et technique au 19e siècle, la notion de retard (ou d’avance) joua un rôle fondamental dans le développement de la cartographie topographique. La fierté nationale liée aux grandes entreprises de prestige que furent la carte de Cassini et la carte d’état-major n’eut d’égal que le recours systématique à l’argument classique du retard sur les autres pays européens pour appuyer les divers projets de cartes nationales. Alain Sinoir commence d’ailleurs sa présentation de la période de développement de l’IGN par un rappel du retard de la couverture cartographique du territoire français. En 1948, cinquante ans après le début des travaux, seulement deux cent vingt-deux feuilles avaient été publiées sur les mille cent que comptait la nouvelle carte de France1268. Pour un territoire d’une superficie relativement proche, l’Allemagne avait achevé en 1923 sa couverture au 1 : 25 000, en seulement quarante-cinq ans, et avait déjà bien avancé la couverture au 1 : 5 000. Sur une surface plus réduite, la Grande Bretagne avait terminé en 1898 sa carte à une échelle voisine du 1 : 10 000, en trente-cinq ans de travaux. Les petits pays comme la Belgique, les Pays-Bas ou la Suisse avaient également achevé la couverture à grande échelle de leur territoire1269. Ce retard, utilisé par la direction de l’IGN comme l’argument définitif pour justifier une augmentation des crédits, favorisa jusqu’au début des années cinquante des investissements, notamment matériels, particulièrement importants dans le secteur de la cartographie.

Notes
1268.

HURAULT. Travaux topographiques et cartographiques exécutés de 1938 à 1948. Rapport présenté au congrès international de géographie, Lisbonne 1949. Paris : Imprimerie de l’Institut géographique national, 1949, p. 5.

1269.

SINOIR Alain. 1940-1990 : une histoire mouvementée. Op. cit., p. 28.