1.3.2. L’accroissement de l’activité cartographique.

1.3.2.1. L’avancement de la carte de France.

La conjonction entre un investissement matériel et technologique considérable dans la première décennie suivant la fin de la guerre et des problèmes croissants de budget et de personnel à partir du milieu des années cinquante, créa une situation particulièrement contrastée pour le développement de la carte de France. Après 1945 et le retour à une activité normale, sa réalisation connut une période accélération qui ne fut pas immédiatement affectée par les restrictions budgétaires du début des années cinquante, les fonds d’intervention et la documentation engrangée pendant les années précédentes permettant de maintenir le rythme de production pendant encore quelques années. En 1957, le réseau primordial de la nouvelle triangulation française était achevé, même s’il connut par la suite quelques améliorations locales, notamment dans les Alpes. Alors qu’en 1937, seulement cent quarante-sept feuilles de la carte au 1 : 50 000 étaient publiées1276, en 1948, on en comptait deux cent vingt-deux, plus dix-neuf en préparation1277, malgré les cinq années de guerre.

Les deux derniers grands directeurs du service cartographique, les généraux Bellot et Hurault, avaient systématiquement privilégié la carte au 1 : 20 000, conçue « avec des exigences considérables de précision et une facture assez fine pour supporter sans difficulté l’agrandissement au 10.000e, échelle utilisée par un grand nombre de services publics »1278. Sur le même principe que la brochure publiée par Bellot en 19261279, Hurault fit éditer en 1950 un document détaillé présentant la nouvelle carte au 1 : 20 0001280, qui confirmait le rôle officieux qu’elle avait pris en 1937, de carte de base dont dérivait la carte au 1 : 50 000. En 1948, 1 531 coupures au 1 : 20 000 étaient publiées sur un total de 4 210, et le rythme annuel était alors de vingt feuilles au 1 : 50 000 levées par an – les coupures au 1 : 20 000 étant généralement publiées dans l’année suivant leur levé1281.

La réalisation de la carte de base du territoire français n’ayant jamais été inscrite dans une loi de programmation pluriannuelle, les travaux de l’IGN étaient généralement définis en fonction des crédits budgétaires disponibles et des besoins les plus urgents. Mais à partir des années cinquante, la conjonction de la politique d’austérité, de la hausse des prix et de la modernisation rapide des infrastructures du pays ne favorisa pas l’investissement dans les opérations de la carte de France, mais au contraire dans les travaux spéciaux à destination des autres administrations ou de pays étrangers. Le graphique suivant montre comment l’augmentation des prix et la réduction des crédits eut un impact considérable sur le potentiel cartographique de l’IGN, qui diminua d’environ un tiers entre 1956 et 1964 (graphique 16). En 1958 et 1959, l’IGN fut obligé de revoir son programme de travail pour privilégier les opérations demandées par certains clients par rapport aux travaux de fonds de la carte de France, ce qui ralentit davantage encore des opérations sur le terrain dont on ne voyait pas la fin. Ainsi, en 1964, environ un tiers du territoire n’était toujours représenté que par la carte de France au 1 : 50 000 à vocation militaire type M, directement dérivée de la carte d’état-major : dans l’ouest, le sud-ouest et le centre de la France, l’immense majorité de la superficie ne disposaient pas de levés au 1 : 20 000 adaptées aux projets modernes d’infrastructure1282. Le rapport de 1965 soulignait qu’il restait à effectuer la triangulation de détail et le nivellement de précision de 174 feuilles, le levé au 1 : 20 000 de 398 feuilles, et la cartographie de 455 feuilles, sur les mille cent que comptait la carte – sans prendre en compte la révision des levés anciens, dont certains avaient été exécutés plus de quatre-vingts ans auparavant1283.

Graphique 16 : Evolution de la situation financière et du potentiel cartographique de l’Institut géographique national, de 1954 à 1964.
Graphique 16 : Evolution de la situation financière et du potentiel cartographique de l’Institut géographique national, de 1954 à 1964.

Source Bulletin d’information de l’Institut géographique national, novembre 1964, 1, p. 4.

Notes
1276.

Le SGA. Op. cit., p. 98.

1277.

HURAULT. Travaux topographiques. Op. cit., p. 5.

1278.

Ibid., p. 3.

1279.

La Nouvelle Carte de France. Op. cit.

1280.

La Nouvelle Carte de France au 1 :20 000, son utilité, son exécution. Paris : Institut géographique national, 1950.

1281.

HURAULT. Travaux topographiques. Op. cit., p. 3-4.

1282.

Exp. IGN 1964, p. 1.

1283.

Exp. IGN 1965, p. 1.