1.3.2.2. Crédits, retard et spécification de la carte de France : l’adoption du 1 : 25 000 et le type 1968 simplifié.

A la suite des difficultés financières, du retard persistant de la carte de base et des nouveaux besoins techniques privilégiant les très grandes échelles, les années cinquante virent s’instaurer un débat de fond entre les partisans d’une carte toujours aussi détaillée et ceux d’un achèvement rapide de la couverture nationale. Les termes de « traditionalistes » et de « pragmatiques » employés par Sinoir pour désigner les deux camps1284 sont une parfaite illustration de l’opposition entre les conception fixiste et utilitariste.

Ce débat était compliqué par la question de l’échelle de la carte de base française. En 1951, malgré l’opposition du représentant français, l’OTAN adopta pour la cartographie militaire de l’Europe de l’ouest l’échelle du 1 : 25 000 et un système de projection unique, l’Universal transverse mercator (UTM). L’IGN fut donc obligé de produire à partir de 1956, en plus de la carte de France au 1 : 20 000 avec un quadrillage Lambert, une carte dérivée au 1 : 25 000 avec un pseudo-quadrillage UTM1285, qui devait également être adopté pour les cartes militaires au 1 : 50 000 et au 1 : 100 000. Si l’importance des crédits militaires, encore augmentée avec les opérations en Algérie, devait théoriquement permettre de compléter le budget limité de la carte de France grâce à la procédure du rétablissement de crédit, ils phagocytaient en fait les travaux de la carte au 1 : 20 000 au profit de ceux de la carte au 1 : 25 000. Le retard préoccupant de la carte de France et les problèmes financiers provoqués par le maintien de deux stocks différents poussèrent la direction de l’IGN à décider la réalisation d’une unique carte civile au 1 : 25 000 pour les feuilles déjà couvertes par l’édition militaire. Cette décision marquait la fin temporaire de l’homogénéité – théorique en attendant l’achèvement de la carte de base – de la couverture cartographique de la France.

Même avec ces dispositions, la dualité de la carte de base se révélait particulièrement coûteuse. En 1964, le nouveau directeur de l’IGN, l’ingénieur général Laclavère, décida de demander l’avis du Comité central des travaux géographiques sur l’échelle de la carte de base. Le 5 mars 1964, ce dernier se prononça à l’unanimité pour une carte en quatre couleurs à l’échelle unique du 1 : 25 000 sur tout le territoire, avec des tirages monochromes ou polychromes au 1 : 20 000 et 1 : 10 000 disponibles sur demande à l’IGN. Confirmée par le ministre et mise en application par la direction, cette décision ne fit pas moins l’objet d’attaques répétées de la part notamment de l’Académie des sciences et du général Hurault à la retraite, fers de lance du camp des traditionalistes.

La nouvelle direction voulait également trouver des solutions pour accélérer la publication de la carte au 1 : 50 000 sans modifier directement ses spécifications. Pour la couverture de l’ouest de la France, elle décida de changer les méthodes de levé et de simplifier considérablement les spécifications de la carte au 1 : 25 000. Afin d’accélérer la préparation et la restitution photographique, l’échelle des levés aériens fut diminuée du 1 : 25 000 au 1 : 40 000, les études menées entre 1964 et 1966 montrant que les levés conservaient ainsi une précision planimétrique jugée « excellente » et une précision altimétrique « satisfaisante »1286. Pour faciliter le complètement, le contenu de la carte au 1 : 25 000 fut également allégé pour ne conserver que les détails nécessaires à la rédaction de la carte au 1 : 50 000. Grâce à ces modifications, le nombre de feuilles traitées passa de quatorze en 1964 à vingt-cinq en 1965, dont douze en type simplifié1287. L’objectif de cette simplification, officiellement adoptée en 1968 et logiquement appelé type 1968, était d’atteindre en 1969 un doublement de la production cartographique. Il s’agissait d’une mesure provisoire, puisqu’il était prévu de revenir au type normal lors des révisions futures, mais elle focalisa contre elle toutes les oppositions à la carte au 1 : 25 000, entraînant la définition rapide du type 19721288.

Notes
1284.

SINOIR Alain. 1940-1990 : une histoire mouvementée. Op. cit., p. 38.

1285.

On parle de pseudo-quadrillage parce que le fond de carte lui-même était dressé dans des coordonnées de la projection Lambert et que le quadrillage UTM était simplement tracé à partir des coordonnées UTM transformées en coordonnées Lambert.

1286.

Exp. IGN 1964, p. 2.

1287.

Exp. IGN 1965, p. 1.

1288.

Voir infra, « Après 1960… », 2.