2.2.1.2. La mise en place d’une organisation complexe.

Malgré ces limites, il paraissait évident à l’état-major lui-même que la reconnaissance aérienne était un enjeu essentiel de la guerre de position. En novembre 1914, l’instruction rédigée par le commandant Bellot pour réglementer le fonctionnement et fixer les méthodes de travail des Groupes de canevas de tir (GCT1327), consacrait une place importante aux photographies aériennes, pour l’exploitation desquelles une annexe exposait même certaines règles géométriques. Elle se basait sur les essais fructueux exécutés par le colonel d’artillerie Lepelletier au XIIe Corps d’armée, probablement les premiers clichés aériens réalisés pendant la guerre1328, et par le capitaine d’artillerie Grout sur le front de Verdun. La découverte d’appareils photographiques dans des appareils allemands capturés ou tombés derrière les lignes françaises accrut l’intérêt pour la photographie aérienne1329.

A la mi-novembre, l’emploi de clichés aériens pour restituer les objectifs ennemis sur le plan directeur restait inégalement développé dans les armées, principalement à cause de conflits d’attribution entre les services de l’aviation et de l’artillerie. Entre décembre 1914 et janvier 1915, dix sections de photographie aérienne furent créées1330, premier stade d’une organisation qui se développa durant tout le conflit1331 et soulagea le SGA de la gestion du matériel de photographie aérienne (à l’exception des objectifs photographiques). A la fin de 1915, chaque corps d’armée possédait sa section photographique qui assurait les prises de vue, le développement des clichés, et parfois l’assemblage des photographies ou la restitution provisoire1332. Une école de photographes et dessinateurs fut organisée à Chalais-Meudon d’abord, puis plusieurs fois déplacée. Bien qu’inconnues de l’état-major français, des structures similaires avaient été mises en place dans l’armée allemande dès le début de la guerre de mouvement.

Cependant, malgré cette volonté manifeste de développer la photographie aérienne, son importance ne fut guère reconnue d’un point de vue statutaire – de la même façon que la légitimité du travail cartographique avait pendant longtemps été ignorée. En particulier, Clerc rapportait que « les missions photographiques […], les plus périlleuses de toutes celles remplies par l’aviation, [furent] aussi les plus mal récompensées » et que le personnel employé dans les laboratoires des sections de photographie aérienne n’eût pas le droit aux avantages pécuniaires des autres techniciens de l’aviation1333.

Notes
1327.

Voir supra, partie 2, chapitre 3.4.3.

1328.

Pour plus de détails, voir Rapp. SGA 1914-19, p. 17.

1329.

CLERC L.-P. Applications de la photographie aérienne. Op. cit., p. 4.

1330.

Rapp. SGA 1914-19, p. 18.

1331.

Pour une description détaillée de l’organisation et du développement des sections de photographie aérienne, voir CARLIER André-H. La Photographie aérienne. Op. cit., p. 58-82.

1332.

Par la suite, certaines structures isolées furent également dotées d’une section photographique : divisions, escadres de combat, groupes de bombardement, etc.

1333.

CLERC L.-P. Applications de la photographie aérienne. Op. cit., p. 5.