2.2.4. La guerre comme catalyseur d’orientations antérieures.

Par l’ampleur des réalisations, la première guerre mondiale marquait le véritable début du développement des applications topographiques de la photographie aérienne. De nombreux spécialistes affirmèrent donc que les bases de la photogrammétrie aérienne avaient été posées pendant la guerre, à l’image de Roussilhe qui soutenait en 1930 « que la photographie aérienne [était] fille de la guerre, et que tous les travaux effectués depuis 1918 […] [consistaient] uniquement en perfectionnement et en adaptations à des cas spéciaux relatifs à des conditions de précision plus sévères »1352. Je pense au contraire que, si l’impact de la guerre ne doit pas être sous-estimé, il ne doit pas non plus être exagéré et surtout déformé. J’ai montré que les orientations méthodologiques et techniques du développement de la photogrammétrie aérienne étaient déjà fixées avant le conflit1353 : celui-ci ne joua qu’un rôle de catalyseur en permettant l’investissement financier et humain nécessaire à l’essor de cette technique. Il est d’ailleurs particulièrement révélateur de cet investissement que la plupart des auteurs donnant à l’activité de guerre un rôle fondateur de la photogrammétrie aérienne, se soient justement consacrés à cette technique seulement après sa généralisation dans les armées au cours du conflit.

La présentation simpliste affirmant que tous les travaux des années vingt n’étaient que des perfectionnements des applications menées pendant la guerre doit également être critiquée. Dans l’après-guerre, la littérature technique spécialisée soulignait les limites d’applications qui ne pouvaient servir qu’à la partie planimétrique de la topographie et qui se heurtaient aux problèmes complexes du redressement et de la restitution, partiellement abordés pendant la guerre mais définis depuis le début du siècle comme les grands axes de la recherche en photogrammétrie aérienne. Si les applications productives se limitèrent effectivement, dans les années vingt, à l’exploitation planimétrique de photographies aériennes sur la base des méthodes développées pendant la guerre, toute l’activité de recherche se focalisa en fait sur l’extension de ces applications par la mise au point de solution pour redresser et restituer les clichés aériens.

Notes
1352.

ROUSSILHE H. Emploi de la photographie aérienne. Op. cit., p. 20.

1353.

Voir supra, partie 4, chapitre 2.1.3.3.