L’appareil Poivilliers fut ainsi très vite préféré aux autres instruments présentés à la commission. Selon moi, ce choix s’explique par un facteur de prestige, le statut d’ingénieur des Arts et manufactures de son inventeur ; par un facteur technique, l’ambition de sa conception qui proposait une solution pour une restitution complète, précise et mécanisée des clichés aériens sans redressement préalable ; et par un facteur institutionnel lié à l’urgence d’une solution au problème de la restitution, puisque l’appareil présentait l’avantage d’être « déjà complètement étudié depuis plusieurs années »1387 en 1924.
L’appareil était formé de deux parties : le stéréothéodolite, qui permettait « de mesurer, sur un couple de clichés, les divers angles qui définissent dans l’espace la position d’un point quelconque du terrain », et le stéréotopographe (terme qui désigna assez rapidement l’appareil complet formé des deux parties), qui se combinait au stéréothéodolite « pour assurer le tracé automatique de la planimétrie et des courbes de niveau »1388. Cet instrument polyvalent permettait « la restitution de clichés pris avec des orientations quelconques dans l’espace (sous la seule réserve que l’examen stéréoscopique [fût] possible) »1389, c’est-à-dire autant les clichés terrestres que les clichés aériens inclinés, verticaux ou redressés. Comme pour tous les appareils de restitution de clichés aériens en cours de conception, la principale difficulté d’utilisation résidait dans le placement des chambres et des organes de réglage à partir de trois repères connus sur le terrain. En effet, contrairement à la photogrammétrie terrestre, les levés aériens ne permettaient pas de disposer d’informations précises sur la position de l’objectif au moment des prises de vue, ce qui nécessitait des dispositifs complexes pour assurer la mise en place des clichés. Poivilliers proposa d’abord une méthode par approximations successives, mais des règles plus efficaces furent formalisés à la fin de 19291390. Pour le reste, le stéréotopographe s’utilisait essentiellement avec des manœuvres analogues à celle du stéréoautographe : « en suivant avec les trois manivelles un détail planimétrique, le stylet en trace le plan et on peut lire, à tous les points remarquables, la cote ; en bloquant la cote, on n’a plus à agir que sur deux manivelles et on cherche à suivre le terrain, le style trace alors les courbes de niveau »1391.
Poivilliers avait conçu deux variations de son instrument : le type A était plus complexe et plus polyvalent que le type B, puisqu’il pouvait traiter des clichés de n’importe quel format et inclinaison, mais il était aussi plus cher (deux cent soixante mille francs pour les deux parties, contre cinquante mille francs pour le type B). Le SGA privilégia immédiatement l’acquisition du type A : le type B initial ne fut jamais utilisé, un autre stéréotopographe, version perfectionnée du type A, fut baptisé type B en 1938-391392. En juillet 1924, il passa commande d’un stéréothéodolite avec chambre de restitution de 35 centimètres de focale, puis en 1925 d’un stéréotopographe et d’un autre stéréothéodolite avec chambre de restitution de 18 centimètres pour permettre une exploitation plus rapide – même si moins précise. En effet, la réalisation des appareils de prise de vue automatique de 35 centimètres était ralentie par les études nécessaires à leur installation dans les avions, alors que les appareils de 18 centimètres pouvaient être maniés à la main1393. Le premier instrument complet fut achevé en septembre 1927 et son réglage technique en janvier 1928.
Source La nouvelle carte de France au 20 000e. Op. cit.
Comme le stéréotopographe pouvait être utilisé pour restituer des clichés terrestres ou aériens, le SGA l’expérimenta dès 1928 pour la restitution de levés stéréotopographiques terrestres, avant même que des chambres de prise de vue aérienne adaptées aient été mises au point par le service technique de l’aéronautique. Puisque de tels levés n’étaient exécutés que dans les Alpes, ce premier essai fut logiquement mené dans cette région. Le SGA compara les résultats obtenus, d’une part avec la restitution au stéréotopographe de clichés pris avec des chambres destinées aux photographies aériennes, dans une inclinaison quelconque, d’autre part avec la restitution au stéréoautographe de clichés pris au photothéodolite avec un axe optique strictement horizontal. « La précision [étant] à peu près la même dans les deux cas », les essais furent jugés concluants.
Une deuxième expérimentation fut menée en 1929, avec la restitution de photographies aériennes d’un terrain situé aux environs de Gasny (Eure), dont un levé de contrôle avait été réalisé avec grand soin par les méthodes traditionnelles en 1926-1927. Si ses résultats furent finalement jugés satisfaisants et encourageants, la commission interministérielle n’attendit même pas d’en disposer pour décider la mise en construction d’un deuxième stéréotopographe comportant divers perfectionnements, en particulier le remplacement des commandes par câbles par des commandes à vis, et le remplacement de la planchette primitive par un coordinatographe disposé à côté de l’appareil1394, modifications qui furent également apportées au premier modèle au cours de l’année 1930.
Ibid., p. 80.
Ibid.
Ibid., p. 83.
Voir infra, partie 4, chapitre 2.3.3.2.
Ibid., p. 84.
Voir infra, partie 4, chapitre 3.2.3.
Ibid., p. 81-82.
Rapp. SGA 1930-31, p. 76-77.