2.3.2.4. Une fièvre d’innovation focalisée sur les problèmes de restitution.

Disposer de tant d’instruments en cours de conception pour une méthode qui n’était pas encore formalisée représentait une situation inédite dans l’histoire de la topographie, qui illustrait l’engouement pour la photogrammétrie aérienne. A l’exception de la stéréotopographie terrestre qui avait été adoptée tardivement par le SGA sur le modèle instrumental développé à l’étranger, les principales méthodes topographiques avaient toujours connu une instrumentation postérieure à leur conception. Ce fut le cas par exemple des levés de précision, pour lesquels furent élaborés par le colonel Goulier une règle à éclimètre spéciale, puis l’alidade holométrique. L’importance des travaux menés pendant la guerre et l’enthousiasme pour l’aéronautique dans l’après-guerre expliquent en partie le dynamisme de la recherche technologique. Mais j’estime que l’orientation déterminée de la recherche en photogrammétrie aérienne constituait un facteur plus crucial, comme le montrent la filiation de tous les nouveaux instruments avec le stéréoautographe et la spontanéité des recherches commencées avant même que les services officiels n’étudient vraiment les possibilités de la restitution de clichés aériens1395.

Selon moi, cette activité de recherche constituait une véritable fièvre d’innovation, mais uniquement focalisée sur le problème de la restitution complète des clichés aériens, sans toujours mesurer l’importance des techniques annexes, en particulier pour la prise de vue. Pourtant, dès 1921, des études menées par le capitaine Schweisguth et l’ingénieur hydrographe De Vanssay pour le Comité d’expériences photo-topographiques, avaient démontré théoriquement que les déformations les plus importantes dans les clichés aériens provenaient des vibrations de l’avion dans lequel l’appareil de prise de vue était embarqué, et que dans l’état actuel de la technique photographique, « ces déformations de l’ordre du millimètre [rendaient] illusoire l’emploi de la stéréogrammétrie où des mesures de l’ordre du centième de millimètre [étaient] nécessaires »1396. Ignorées par la recherche concentrée sur le problème de la restitution, les limites du matériel photographique posaient encore des problèmes au début des années trente, alors même qu’étaient menés les dernières expérimentations en prévision de l’adoption définitive des levés aériens au SGA. Par exemple, deux séries d’essais menées en 1939, la première en Lorraine pour la restitution au stéréotopographe, et la deuxième dans la région de Hyères pour un procédé de cheminement photographique aérien, ne purent être restituées à cause du manque de netteté des clichés1397. Des difficultés similaires continuèrent de se présenter assez régulièrement tout au long des années trente et quarante.

Notes
1395.

Ce fut à la suite d’une initiative de Prédhumeau, qui présenta son projet d’appareil au service technique de l’aéronautique, que le SGA fut contacté pour une expertise technique, puis qu’une commission interministérielle fut créée.

1396.

Extraits du résumé, écrit par Bellot, du rapport de Vavon sur les études du Comité, reproduit dans Rapp. SGA 1920-21, p. 20.

1397.

Rapp. SGA 1930-31, p. 76-77.