2.3.3. L’adoption définitive des levés aériens au SGA.

2.3.3.1. Des essais étendus à l’adoption définitive du stéréotopographe, 1930-1934.

Contrairement à la photogrammétrie terrestre qu’il n’adopta régulièrement qu’au cours des années vingt, le SGA s’investit rapidement dans la photogrammétrie aérienne au point d’être aux avant-gardes de la recherche dans ce domaine. Dès le début des années trente, il mit en place des essais étendus, préliminaires à une généralisation des levés aériens que sa direction espérait susceptible de combler le retard de la carte de France.

A l’exception d’une expérimentation infructueuse en Lorraine en 1930, tous les essais de levés aériens sur des surfaces étendues furent menés dans les environs de Salon de Provence, un choix justifié par la variété du relief et la présence d’une base aéronautique pour héberger les avions spécialement équipés en appareils de prise de vue. Entre 1931 et 1933, trois terrains de plus en plus grands furent photographiés par des entreprises privées1402 pour le SGA : 80 km2 en 1931 dans la région de Rognes, au nord-est de la feuille de Salon, dont une partie avait été parallèlement levée par les procédés topographiques ordinaires1403 ; 180 km2 à l’est d’Apt en 1932 ; 350 km2 au sud de Moustiers Sainte-Marie, dans les gorges du Verdon, en 19331404. Tous les clichés furent exécutés à l’échelle moyenne de 1 : 15 000 et restitués à la même échelle au stéréotopographe, avec la collaboration de Poivilliers.

Les comparaisons effectuées semblaient montrer que « le stéréotopographe [devait] être considéré actuellement comme bien au point en ce qui concerne l’optique et la mécanique »1405, même si sa conception subit encore quelques modifications en 1932 et 1933, entre autre pour améliorer « l’accord de la distorsion des objectifs de prise de vues et de restitution »1406. Les terrains plus difficiles et étendus qui furent levés en 1932 et 1933 permirent d’affiner les conclusions sur les levés aériens : le prix de revient semblait devoir être inférieur aux procédés classiques, d’un quart en moyenne sur les essais ; la précision en planimétrie était toujours égale ou supérieure aux méthodes classiques ; mais la précision en nivellement, si elle était supérieure dans les zones accidentées, se révélait inférieure dans les zones plates, notamment dans le rendu de la physionomie particulière du terrain1407 – sans pour autant atteindre l’inadaptation de la photogrammétrie terrestre.

Malgré des essais de restitution à l’appareil Gallus-Ferber de levés effectués dans la même région de Rognes en 1931, le stéréotopographe était définitivement adopté. En 1932 et 1933, en même temps qu’il supervisait la restitution des essais menés dans la région de Salon, Poivilliers lui-même participa à la formation de restituteurs pour son appareil, dont un deuxième modèle fut disponible au SGA en avril 1933. En plus des deux restituteurs spécialisés dans l’utilisation du stéréoautographe, l’adjudant chef Lecuellé et l’agent civil Toutan, furent formés le lieutenant Daniel, l’adjudant Mati et le maréchal des logis chef Fortin1408, qui devaient constituer les premières équipes1409 et former d’autres restituteurs. Ces premiers essais étendus permirent d’évaluer et de préciser la méthode de restitution au stéréotopographe, commençant ainsi un processus de perfectionnement par l’usage qui se poursuivit dans les décennies suivantes1410. Aux environs de 1932-1933, une première version relativement bien formalisée de la méthode de restitution fut adoptée en prévision des premiers levés aériens réguliers.

Notes
1402.

Les Entreprises photo-aériennes Moreau en 1931 et 1933, la Compagnie aérienne française (CAF, à ne pas confondre avec le Club alpin français) en 1932.

1403.

Rapp. SGA 1930-31, p. 76.

1404.

Rapp. SGA 1932-33, p. 86-87.

1405.

Rapp. SGA 1930-31, p. 77.

1406.

Rapp. SGA 1932-33, p. 87.

1407.

Ibid., p. 86.

1408.

Ibid., p. 148.

1409.

Le SGA prévoyait, et mit effectivement en place, l’utilisation des appareils de restitution par deux équipes successives travaillant chacune huit heures.

1410.

Voir infra, partie 4, chapitre 3.3.