Dans l’entre-deux-guerres, la direction du Service géographique de l’armée revendiqua de plus en plus explicitement le modèle industriel. En 1924, en réaction à un nouveau refus du parlement d’augmenter le budget de la carte de France, le général Bellot avait déjà décidé de favoriser l’évolution technique pour pallier au manque de moyens par un accroissement du rendement des travaux. La problématique de la productivité s’affirma au cours des années trente et quarante. Même si elle ne fut explicitement définie comme une orientation « industrielle » qu’en 1937, dans le projet de réforme du SGA conçu par le colonel Hurault, et que son application systématique à l’organisation du service ait alors été limitée par des oppositions institutionnelles1426, elle donna lieu dès le début des années trente à un important effort de rationalisation des techniques de levés topographiques autour de la photogrammétrie aérienne. Jusque-là surtout concentrée sur les questions de précision, de prestige et de besoins spécifiques, la recherche technique en topographie n’avait jamais été confrontée aussi directement aux problèmes de productivité, en particulier pour le levé des régions de haute montagne qui avait conservé de nombreuses spécificités depuis les travaux de la carte d’état-major. Dans les Alpes, cette nouvelle orientation remettait en cause l’organisation spéciale qui avait permis l’émergence de topographes spécialisés au SGA1427, en cherchant une rationalisation des opérations qui ne pouvait se faire que par leur rapprochement avec les méthodes employées sur le reste du territoire. La question qui se pose alors est de savoir dans quelle mesure l’approche générale des levés topographiques favorisée par la pression industrielle niait la spécificité du travail en haute montagne. En effet, cette pression se manifesta dans une évolution technique qui imposa en une vingtaine d’année les levés aériens pour l’ensemble des opérations de la carte de France, les Alpes jouant dans cette évolution le rôle d’une confirmation prestigieuse de l’efficacité des levés aériens qui marqua aussi la dernière entrepris de terrain spécialement conçue pour la haute montagne. Définitivement sorties de la période d’expérimentations et d’applications artisanales qu’elles avaient connue dans les années vingt, les méthodes de la photogrammétrie aérienne furent l’objet d’une industrialisation systématique, qui se traduisit d’un côté par un important effort d’équipement et de normalisation des procédés de photographies aériennes, et d’un autre côté par la rationalisation des méthodes d’exploitation de ces photographies, qui entraîna l’émergence de la problématique, jusque-là limitée par les possibilités techniques, de l’éloignement puis du détachement du terrain dans l’élaboration de la carte, en particulier dans les régions montagneuses.
Voir supra, partie 4, chapitre 1.1.
Voir supra, partie 3, chapitre 2.2.3.