Les limites des techniques aéronautique et photographique créaient des conditions particulièrement difficiles pour la réalisation des missions aériennes. Les entreprises privées assuraient un travail de qualité irrégulière, qui nécessitait souvent d’être repris ou restitué avec une mauvaise lisibilité. Il restait cependant toujours supérieur aux missions effectuées par l’aviation militaire, dont la netteté et le recouvrement étaient généralement insuffisants1444, à cause de l’inexpérience des équipages provoquée par l’attribution des missions à des escadrilles différentes selon les régions. Malgré sa préférence pour les entreprises privées, le SGA dut ponctuellement confier des missions aux escadrilles militaires, soit parce que le caractère stratégique des levés imposait le secret1445, soit parce que les crédits étaient insuffisants pour payer une entreprise1446 (tableau 17).
Organisme | Surface levée (en coupures) |
Proportion | |
Escadrille spécialisée (SGA) | 5 | 1,15 % | |
Aviation militaire | 31 | 7,11 % | |
Entreprises privées | 172 | 39,45 % | |
Société générale de photographie (SGP) | 3 | 0,69 % | |
Photogrammétrie par avion | 7 | 1,61 % | |
Compagnie aérienne française (CAF) | 27 | 6,19 % | |
Entreprise Michaud | 130 | 29,82 % | |
Inconnu | 233 | 53,44 % | |
Total | 436 | 100 % |
La conjonction des problèmes économiques et techniques contribua à la demande d’un personnel et d’un équipement spécialisés dans les missions de photographie aérienne, qui n’était qu’une formulation spécifique de l’éternelle revendication du service cartographique pour un personnel qualifié. En 1938, le SGA obtint la formation provisoire d’un Groupe de marche du Service géographique, constitué avec du matériel et du personnel de l’Armée de l’air1447 qui formaient deux équipages complets comptant chacun « un navigateur chef de bord, un pilote, un photographe-opérateur et un mécanicien naviguant »1448, ainsi qu’un laboratoire photographique de cinq personnes au sol. Après un stage de trois semaines au service de la phototopographie du SGA en février, le personnel exécuta ses premières missions au Maroc en mai, puis en France à partir de juin. En septembre 1938, le groupe de marche assurait un rendement équivalent aux entreprises privées avec une qualité jugée satisfaisante. Il fut donc chargé de toutes les nouvelles missions, même si les marchés passés précédemment furent honorés par les compagnies privées : en 1938, le groupe photographia 4 900 km2 sur les 8 530 couverts en France. Les résultats et l’expérience accumulée plaidaient pour le maintien du groupe, qui reçut un statut permanent sous le nom d’« escadrille spécialisée dans la prise de vue du Service géographique de l’armée », par décision du ministère de l’Air datée du 5 décembre 19381449. En 1939, cette escadrille spécialisée exécuta l’essentiel des missions demandées par le SGA, couvrant 7 730 km2 sur les 9 585 levés, dont une partie concernait le massif du Mont Blanc.
Pendant la guerre, l’escadrille assura des levés dans le nord-est de la France pour fournir aux armées des photographies aériennes de la région d’opération. Suspendue en juin 1940, elle fut reconstituée au cours de 1941 dans le domaine civil, sous la forme d’une Section d’avions photographiques spécialisés, rattachée administrativement aux Services civils de liaisons aériennes créés au sein de la compagnie Air France1450. Regroupant presque tout le personnel formé avant-guerre, elle reprit les missions aériennes au cours de l’hiver 1941-1942 en Afrique du nord. Revenue en France au printemps 1942, elle couvrit un peu plus de 24 600 km2 dans les régions du sud-ouest. Suspendue à nouveau en novembre 1942 par l’invasion de la zone libre, l’activité de l’escadrille ne reprit qu’à l’automne 1944 avec le début du réentraînement des équipages et la reconstitution d’une section photographique au sein de l’IGN en 1945.
Rapp. SGA 1930-31, p. 77.
La couverture aérienne de la zone de la ligne Maginot fut commencée en 1935-1936, mais les premiers résultats étaient très décevants. DANIEL R.E. Les prises de vues photogrammétriques françaises depuis 1932. Bulletin de l’Association Professionnelle des Ingénieurs Géographes, décembre 1946, 1, 3, p. 14.
Ibid.., p. 13.
Rapp. SGA 1938-39, p. 115.
DANIEL R.E. Les prises de vues photogrammétriques françaises. Op. cit., p. 15.
Rapp. SGA 1938-39, p. 117.
Rapp. IGN 1940-42, p. 48.