3.1.2.1. Le refus de la mise en concurrence.

Pendant toute la période d’expérimentation des levés aériens, qui concerna pourtant des régions où la stéréotopographie terrestre était efficace, les deux techniques ne furent jamais mises en concurrence directe. Si, en 1928, les premiers essais du stéréotopographe furent évalués par rapport au stéréoautographe, je considère que leur but n’était pas de comparer les deux méthodes photogrammétriques, mais au contraire d’évaluer le potentiel du stéréotopographe par rapport à un référent connu. Ce potentiel une fois confirmé, tous les essais postérieurs de levés aériens ne furent comparés qu’aux levés de précision. Bien sûr, les restrictions géographiques des levés stéréotopographiques terrestres pouvaient justifier la focalisation des expérimentations sur les autres procédés ; mais puisque qu’ils avaient été jugés supérieurs aux levés directs pour les régions montagneuses, ils auraient normalement dû être comparés aux levés aériens pour décider du « meilleur » procédé pour ces régions. Pourtant, une telle comparaison ne fut jamais menée, et aucun texte publié dans les années vingt ou trente n’affirma jamais que l’un ou l’autre procédé était supérieur : il semblait acquis qu’ils présentaient tous deux les mêmes qualités de précision et d’efficacité.

J’explique cette absence d’interférence entre les deux méthodes photogrammétriques, du moins au niveau de la recherche, par la conception traditionnelle des levés aériens comme un perfectionnement des levés photographiques terrestres1451, et par le décalage encore important au début des années trente dans la formalisation de ces méthodes. Alors que la restitution de clichés aériens restait expérimentale, celle de clichés terrestres était employée de manière régulière et faisait l’objet de recherches qui sortaient du strict cadre instrumental pour aborder des problèmes cartographiques plus généraux comme l’expressivité de la représentation du relief1452. Ainsi, le développement des levés aériens ne fut jamais explicitement défini comme une solution pour remplacer une méthode qui avait atteint une productivité qui semblait satisfaire le SGA pour les régions montagneuses ; au contraire, je l’interprète comme la volonté de généraliser les procédés spécifiques à la stéréotopographie terrestre, en particulier la restitution mécanisée, aux autres types de relief. Il me paraît donc crucial d’étudier les conditions dans lesquels les deux méthodes photogrammétriques furent employées dans les Alpes, d’autant plus que les levés aériens y furent utilisés dès le début de leur emploi régulier, parfois dans les mêmes régions que les levés photographiques terrestres : s’agissait-il seulement d’une utilisation parallèle ou d’une utilisation complémentaire, en fonction des spécificités techniques de chaque méthode ?

Notes
1451.

Voir supra, partie 4, chapitre 2.1.3.1.

1452.

Voir supra, partie 3, chapitre 4.3.