3.1.2.3. L’abandon de la stéréotopographie terrestre.

Le graphique suivant montre les surfaces couvertes par les levés photographiques terrestres et aériens dans la région couverte par mon corpus, entre 1910 et 1953 – année d’achèvement de la première couverture aérienne complète de la France (graphique 20). A partir de la reprise régulière du travail topographique en 1923, les levés photographiques terrestres conservèrent une certaine régularité, variant seulement en fonction du programme de travail et des conditions d’opération – comme l’accident de montagne qui abîma le photothéodolite en 1925 et empêcha de réaliser des clichés pendant cette campagne. L’impact du programme de 1934 n’est perceptible qu’à partir de 1937 : alors que les levés aériens continuèrent de se développer (la faible surface levée en 1938 correspond seulement à des opérations menées dans d’autres régions, graphique 19), les levés photographiques terrestres furent abandonnés dans les Alpes du nord, à l’exception de quelques prises de vue dans le massif du Mont Blanc entre 1948 et 1950 pour la carte au 1 : 10 0001455.

Graphique 20 : Evolution de la surface couverte par les levés photographiques du SGA dans les Alpes du nord, de 1910 à 1953.
Graphique 20 : Evolution de la surface couverte par les levés photographiques du SGA dans les Alpes du nord, de 1910 à 1953.

Si la généralisation des levés aériens et la volonté d’optimisation des ressources du SGA jouèrent évidemment un rôle dans l’abandon subit des levés photographiques terrestres, je pense que la causalité n’était pas aussi directe qu’elle pouvait le sembler. Les qualités de précision et de rendement de la stéréotopographie terrestre n’étaient toujours pas remises en cause : celle-ci était certes moins polyvalente que la photogrammétrie aérienne et nécessitait de parcourir le terrain – une problématique sur laquelle je reviendrai1456 –, mais aucun argument strictement technique ne justifiait son arrêt. Je l’interprète d’ailleurs moins comme un effet direct de la généralisation des levés aériens que comme un effet indirect lié à des questions d’équipement. En effet, la politique volontariste de la direction avait favorisé l’acquisition de nouveaux stéréotopographes pour développer les levés aériens, alors que la surface limitée des régions susceptibles d’être couvertes par des levés photographiques terrestres n’avait jamais pu motiver un tel effort1457. Même si le stéréotopographe pouvait être employé indifféremment pour restituer des clichés horizontaux ou verticaux, la complexité de la mise en place spécifique à une orientation et une focale de prise de vue ne permettait pas dans la pratique de l’utiliser pour les photographies terrestres, d’autant que la quantité croissante de clichés aériens à restituer ne laissait jamais un instrument vacant. L’augmentation du besoin en restituteurs sur stéréotopographe, que ce soit pour les opérations elles-mêmes ou pour la formation de nouveaux opérateurs, conjuguée avec les difficultés de recrutement du SGA, rendit sans doute nécessaire l’emploi des restituteurs habituellement affectés à l’unique stéréoautographe que possédait le SGA. Les informations contenues dans les dossiers topographiques sont malheureusement très lacunaires sur les personnes employées à la restitution des clichés terrestres dans les années vingt et trente. Ma base de données, notamment la table fonction_acteur, ne permet donc pas de vérifier l’hypothèse intéressante du transfert des restituteurs affectés au stéréoautographe sur un stéréotopographe à la fin des années trente.

Mon hypothèse d’un problème d’équipement instrumental peut être vérifié par la surface annuellement restituée à partir de clichés terrestres ou aériens dans la région couverte par mon corpus (graphique 21). Les besoins de restitution des levés aériens s’accrurent considérablement à partir de 1934, d’autant plus que l’importante augmentation de la surface restituée dans les Alpes du nord n’était qu’une partie des besoins de restitution pour les autres régions françaises. Cet accroissement phagocyta le potentiel de restitution disponible pour les levés terrestres, qui ne put s’affirmer en 1937 qu’avec une baisse sensible des restitution de levés aériens. Cette année marquait d’ailleurs le suprême effort pour restituer les clichés terrestres en retard : à partir de 1938, la restitution de photographies terrestres fut pratiquement arrêtée, alors que les stéréotopographes étaient presque toujours utilisés à plein régime – pour employer un terme du vocabulaire industriel qui s’imposait au SGA puis à l’IGN –, même pendant l’occupation.

Graphique 21 : Evolution de la surface restituées par le SGA dans les Alpes du nord, de 1910 à 1953.
Graphique 21 : Evolution de la surface restituées par le SGA dans les Alpes du nord, de 1910 à 1953.
Notes
1455.

Voir infra, partie 4, chapitre 4.2.4. Les dossiers topographiques ne m’ont pas permis de déterminer la répartition annuelle des surfaces photographiées, si bien que ces prises de vue sont représentées sur le graphique par une unique barre en 1949.

1456.

Voir infra, partie 4, chapitre 3.3.

1457.

Voir supra, partie 3, chapitre 3.3.3.3.