3.1.3.3. La diversification des activités aériennes de l’IGN.

La couverture systématique instaurée en 1953 répondait essentiellement au besoin d’une mise à jour régulière de la carte de base dans un pays soumis à une transformation rapide par sa reconstruction et la modernisation de sa société. Ce souci marquait une forme plus radicale de la conception utilitariste de la cartographie qui s’imposait à l’IGN face à la forme plus traditionnelle qui avait dominé jusqu’aux années cinquante, compromis entre fixisme et utilitarisme qui se manifestait dans la volonté d’achever une carte de France homogène – une forme défendue notamment par Hurault lui-même. En effet, la couverture aérienne s’insérait dans une nouvelle organisation de l’équipement géographique national où la carte topographique conservait son rôle central, mais laissait de la place à d’autres media comme les photographies aériennes. Cette mutation avait d’ailleurs été perçue dès l’immédiat après-guerre, puisqu’un Centre de documentation de photographie aérienne (CDPA), géré par l’IGN, avait été créé en avril 1945 pour réunir, conserver et diffuser tous les clichés aériens pris par des services publics1476. Si cette création répondait surtout aux besoins en photographies aériennes à grande échelle pour la reconstruction, elle officialisait aussi l’accès de la photographie aérienne à un statut de document complémentaire à la carte. En cela, elle rompait d’ailleurs avec l’organisation d’avant-guerre dans laquelle le SGA interdisait la reproduction et la diffusion des clichés qu’il exécutait ou faisait exécuter.

Le développement des utilisations directes des photographies aériennes constitua le principal moteur de l’augmentation régulière des surfaces couvertes annuellement et de la mise en place d’une couverture aérienne systématique. En effet, celles-ci ne pouvaient pas se justifier par les seuls besoins cartographiques, le potentiel de restitution de l’IGN étant insuffisant pour traiter une véritable surproduction de clichés aériens qui ne faisait qu’aggraver le sentiment du retard de la carte de France. Dans les années cinquante, l’accroissement de la proportion des prises de vue à grande échelle, principalement utilisées pour l’aménagement industriel ou urbain, ne marquait pas seulement les difficultés financières de l’IGN qui devait se concentrer sur les travaux spéciaux rémunérés, mais aussi le début d’une diversification de l’emploi des photographies aériennes, qui n’étaient plus uniquement destinées à servir à la réalisation de cartes ou de plans. Les nombreux cours et ouvrages de photo-interprétation publiés à partir des années soixante témoignent de la diffusion de la photographie aérienne comme une source directe pour l’aménagement du territoire, la géographie, l’archéologie, etc.

Au-delà de la seule photographie aérienne, la transformation du Groupe des escadrilles photographiques (GEP) en Service des activités aériennes (SAA) en 1965, reflétait dans sa désignation même la diversification des activités des escadrilles de l’IGN. Ainsi, dès 1960, le potentiel aérien de l’institut n’était consacré que pour 60 % à la prise de vue (qui n’était elle-même pas systématiquement destinée à la réalisation de cartes ou de plans), alors que 20 % était utilisé pour la prospection géophysique, 10 % pour les enregistrements de profil de terrain et 10 % pour des travaux purement scientifiques1477. Pour répondre à de telles augmentation et diversification de son activité de photographie aérienne, l’IGN dut nécessairement fournir un important effort d’équipement et de normalisation des méthodes qui ne fit qu’affirmer son orientation industrielle.

Notes
1476.

Rapp. IGN 1946, p. 31.

1477.

Le Service des activités aériennes de l’IGN au 1er juin 1971. Bulletin d’information de l’IGN, septembre 1971, 15, p. 7-8.