3.2.1.3. Réduire la focale des objectifs.

Avec le progrès des formules optiques et l’augmentation de la sensibilité des plaques photographiques1487, il était devenu envisageable de réduire l’échelle des clichés aériens en diminuant la focale des objectifs utilisés. Au début des années trente, les essais de levés aériens avaient utilisé des photographies au format 13 x 18 cm prises avec l’objectif Olor de 200 mm employé pour les missions des années vingt1488. « La Section des Instruments d’optique [avait] étudié [à partir de 1932] la possibilité d’utiliser dans le matériel Poivilliers un objectif photographique couvrant 13x18 et ayant une distance focale nettement inférieure à 200 mm »1489. Les recherches aboutirent entre 1934 et 1937 à la mise au point successive d’un objectif de 150 mm qui permettait des clichés au 1 : 30 000 à une altitude de quatre mille cinq cents mètres, puis d’un objectif de 128 mm qui faisait descendre cette altitude à trois mille huit cents mètres1490.

Même si les optiques de prise de vue restaient le facteur limitant de la précision de restitution1491, les différents essais donnèrent des résultats jugés satisfaisants sur ce point. Les courtes focales s’avéraient également moins sensibles aux aberrations géométriques et chromatiques1492 que les longues focales, ainsi qu’aux déformations provoquées par les variations thermiques toujours importantes dans les missions aériennes1493. A partir de 1937-1938, l’emploi de l’objectif de 150 mm se généralisa pour réduire systématiquement, quel que soit l’échelle de prise de vue souhaitée, l’altitude de vol afin de faciliter le travail des opérateurs et de limiter l’usure du matériel1494. J’explique la mise au point et l’adoption particulièrement rapide de ces objectifs par trois facteurs principaux : l’impulsion considérable donnée par la direction du SGA à la recherche en photogrammétrie aérienne, l’expertise technique en matière d’optique acquise par le SGA depuis la première guerre mondiale, et la fixation précoce du système technique des levés aériens autour du stéréotopographe1495. Cette dernière caractéristique plaçait la section des instruments d’optique face à un problème bien défini, qu’il était possible de résoudre rapidement en s’appuyant sur les progrès de l’optique photographique : en effet, l’optimisation très particulière des objectifs pour une restitution au stéréotopographe permettait de circonscrire plus efficacement les défauts optiques dans une utilisation générale.

Cependant, l’adoption de ces objectifs nécessita d’importantes adaptations de la méthode de levé. Tout d’abord, le grand angle de champ couvert modifiait les conditions de recouvrement des clichés, qui avaient été définies pour « toujours être d’environ 60 % dans une bande et de 10 à 20 % entre bandes voisines »1496. Le SGA dut changer l’orientation de la chambre de prise de vue pour placer le petit côté parallèle à l’axe de vol : « pour couvrir une même surface, il [fallait] ainsi moins de bandes, mais un plus grand nombre de vues dans chaque bande »1497. Ensuite, l’importante distorsion que conservaient ces deux optiques complexes nécessitait de les « appairer très exactement avec les deux objectifs de restitution »1498 utilisés sur le stéréotopographe, mais leur conception ne permettait plus de modifier cette distorsion comme avec l’objectif Olor1499. Comme l’industrie optique ne pouvait pas fabriquer des objectifs parfaitement identiques, le SGA mit en place un système de classement en fonction de la distorsion pour assurer l’utilisation d’objectifs aux caractéristiques proches pour la prise de vue et la restitution de chaque mission1500. Cet apairage des distorsions par sélection d’objectif fut systématisé en 1942 par l’IGN, avec la qualification consciencieuse de chaque objectif à partir d’une série d’essais optiques permettant la détermination d’un graphique de distorsion qui servait à la comparaison des objectifs1501. Enfin, des modifications du stéréotopographe furent également nécessaires1502.

Notes
1487.

Les formules optiques modernes, plus complexes, corrigeaient mieux la distorsion géométrique des objectifs grand angulaire, alors que la sensibilité plus grande des plaques photographiques permettaient d’utiliser une petite ouverture de diaphragme pour limiter la distorsion et améliorer la netteté.

1488.

Voir supra, partie 4, chapitre 2.3.3.2.

1489.

Rapp. SGA 1934-35, p. 111.

1490.

Ibid., p. 111-112.

1491.

A la fin des années trente, les travaux de restitution sur plaques photographiques atteignaient une précision de mesure du centième de millimètre au SGA, alors que les objectifs offrant la meilleure résolution se limitaient théoriquement au vingtième ou trentième de millimètre. Rapp. SGA 1936-37, p. 110.

1492.

Les photographies étaient prises en noir et blanc, mais les aberrations chromatiques pouvaient influer sur la netteté ou le contraste des clichés, provoquant des difficultés d’identification.

1493.

CRUSET Jean. L’évolution des objectifs français… Op. cit., p. 49.

1494.

En particulier, les moteurs d’avion souffraient beaucoup d’une utilisation intensive aux altitudes les plus proches du plafond de vol maximal de l’appareil.

1495.

Voir supra, partie 4, chapitre 2.3.2.5.

1496.

Rapp. SGA 1938-39, p. 119.

1497.

Rapp. SGA 1938-39, p. 120.

1498.

Rapp. SGA 1934-35, p. 111.

1499.

Voir supra, partie 4, chapitre 2.3.3.2.

1500.

CRUSET Jean. L’évolution des objectifs français… Op. cit., p. 51.

1501.

DANIEL R.E. Les résultats obtenus en France en matière de stéréophotogrammétrie aérienne aux échelles topographiques. Bulletin de l’AIG, juin 1947, 5, p. 26.

1502.

Voir infra, partie 4, chapitre 3.2.3.2.