3.2.2.2. Une normalisation plus tardive dans la pratique.

Dans la pratique, la situation était en fait plus complexe. Une différence importante doit être fait entre les missions aériennes explicitement destinées à être restituées pour dresser la carte de France (que je qualifierai de « levés pour la carte de France ») et les missions complémentaires effectuées, soit pour la restitution planimétrique des agglomérations, soit pour les besoins de certains services publics, soit pour diverses autres raisons, qui étaient ponctuellement exploitées pour la rédaction des feuilles de la carte de France (complètement de la restitution d’une mission exécutée dans de mauvaises conditions, aide à la représentation des zones à planimétrie dense comme les villes ou à relief complexe comme certains glaciers ou massifs touristiques). Le graphique suivant illustre le développement de ces deux types de missions dans la zone couverte par mon corpus (graphique 23). Dans les années trente, les levés de la carte de France étaient plus nombreux et couvraient une surface plus importante, selon moi essentiellement parce que le SGA ne faisait effectuer des missions que pour son propre compte et qu’il privilégiait l’achèvement de cette carte. Mais à partir des années quarante, les levés de la carte de France furent moins importants que les autres levés, tant en nombre qu’en surface couverte, en particulier à partir des années cinquante quand les problèmes budgétaires de l’IGN le poussèrent à augmenter la part des travaux sur commande, spécialement dans les levés aériens.

Graphique 23 : Répartition des types de missions aériennes effectuées dans les Alpes du nord, entre 1926 et 1976*.
Graphique 23 : Répartition des types de missions aériennes effectuées dans les Alpes du nord, entre 1926 et 1976*.

* La différenciation entre les deux types de missions est faite dans la base par recoupement avec les données de restitution contenues dans la table fonction_acteur : en effet, les feuilles de restitution dépouillées dans les dossiers topographiques ne comportaient dans l’immense majorité des cas que les références des missions aériennes officielles de la carte de France, même si d’autres missions avaient été utilisées ponctuellement pour restituer certaines zones.

Le graphique suivant représente l’évolution des échelles employées pour les missions aériennes spécialement destinées à la carte de France (graphique 24). La diminution des échelles entre le début des levés aériens et le milieu des années cinquante est très nette. Le pic de 1948 correspond à une mission exceptionnelle d’intérêt militaire, exécutée à une échelle variant entre le 1 : 20 000 et le 1 : 40 000 le long de la frontière des Alpes. Après les années quarante s’observe une régression à la moyenne qui souligne la diminution du spectre des échelles employées : à partir de 1952, les différentes missions effectuées la même année utilisaient systématiquement la même échelle, généralement le 1 : 25 000 qui mit donc, dans la pratique, presque quinze ans à s’imposer après sa définition officieuse comme échelle normale pour les levés aériens à la fin des années trente. J’explique ce retard dans une normalisation pourtant souhaitée, par des raisons techniques de maîtrise de l’altitude de vol et par des raisons conjoncturelles liées aux besoins et conditions spécifiques des périodes de guerre, d’occupation et de reconstruction.

Graphique 24 : Evolution des échelles des missions aériennes signalées sur les feuilles de restitution dans les dossiers topographiques concernant les Alpes du nord, de 1934 à 1976.
Graphique 24 : Evolution des échelles des missions aériennes signalées sur les feuilles de restitution dans les dossiers topographiques concernant les Alpes du nord, de 1934 à 1976.