3.3.2. La formalisation de la stéréopréparation, base géométrique de la restitution.

3.3.2.1. Le rôle crucial de la préparation.

La généralisation des levés de précision et le retard de la nouvelle triangulation de la France avaient donné à la préparation tachéométrique une place importante dans le procédé des levés topographiques, qui s’était affirmée avec le développement de la stéréotopographie terrestre dans les Alpes. Contrairement aux levés terrestres, les levés aériens ne permettaient pas de connaître les conditions précises des prises de vue, notamment la position de l’objectif et donc du point de fuite des perspectives : la préparation, qui déterminait entre autres les repères de restitution, jouait donc un rôle encore plus fondamental dans la restitution des photographies aériennes. Elle constituait véritablement la base géométrique de la restitution, de la même façon que les opérations géodésiques avaient constitué jusqu’à la fin du 19e siècle la base géométrique des levés directs. En cela, j’interprète sa place centrale dans les levés aériens comme l’achèvement du renversement du rapport entre géodésie et topographie engagé à la fin du 19e siècle, que j’ai évoqué dans la première partie de ce travail1549.

Dans une certaine mesure, je pense que la redéfinition du projet géodésique au moment de l’organisation de l’IGN pendant l’occupation marquait une dernière tentative pour réintégrer la préparation dans le processus géodésique. En effet, pour répondre aux besoins des services publics exécutant des travaux à très grande échelle et en vertu de sa nouvelle place centrale dans le dispositif d’information topographique en France1550, l’institut avait décidé à la fin de l’année 1941 de réaliser « un réseau allant du 1er au 4e ordre, avec une densité moyenne de 1 point 6 à 8 km2 »1551, alors que le service de la géodésie se limitait auparavant au 3e ordre, complété par un canevas complémentaire de forte densité (1 point pour 2 à 3 km2), mais de précision insuffisante pour les levés à très grandes échelles. Cependant, la nouvelle organisation du projet géodésique intégrait la préparation des levés dans sa description officielle, illustrant la volonté de concevoir cette étape comme une sorte de 5e ordre. Dans les faits, cette organisation complexifiait encore les rapports entre la triangulation et les levés topographiques dont les évolutions parallèles ne cessaient d’être influencées par des modifications d’ordres technique et méthodologique, qui n’étaient ni synchrones ni facilement répercutables d’un domaine à l’autre. Si la préparation des levés se trouvait inscrite plus précisément dans le processus géodésique, dans la pratique, elle restait surtout liée aux travaux topographiques et se trouvait encore souvent exécutée sans pouvoir s’appuyer sur les résultats de la nouvelle triangulation toujours en retard.

Notes
1549.

Voir supra, partie 1, chapitre 4.2.

1550.

Voir supra, partie 4, chapitre 1.2.2.3.

1551.

Rapp. IGN 1940-42, p. 41.