3.3.2.4. La prédominance du facteur économique.

Entre 1933 et 1935, les essais de levés dans les environs de Salon furent l’occasion de mieux préciser l’importance de la préparation « au point de vue de la qualité du travail et […] de sa rapidité, et par suite, du prix de revient »1562. La moitié des levés fut l’objet d’une préparation détaillée, avec identification précise de tous les détails des photographies, l’autre moitié d’une préparation plus rapide sans identification. Les résultats confirmèrent l’importance d’une préparation précise pour non seulement faciliter et accélérer la restitution, mais aussi le complètement. Une grande partie des études sur les levés aériens se consacra alors à la formalisation des méthodes de stéréopréparation afin d’obtenir le meilleur compromis entre la qualité et le rendement. Une fois de plus, j’estime que le facteur économique, c’est-à-dire la durée de la préparation sur le terrain, fut plus important que le facteur qualitatif, c’est-à-dire essentiellement la précision de la restitution basée sur cette préparation, d’autant plus perçu comme un compromis que l’adoption du stéréotopographe avait permis un progrès sensible.

Je trouve que les conclusions tirées des essais postérieurs menés en 1937 sur les feuilles d’Epernay et de Fère-en-Tardenois sont particulièrement révélatrices de la prédominance du facteur économique dans l’optimisation de la méthode de préparation. Bien que la comparaison soit difficile en raison des différences d’échelle des clichés et de nature des terrains levés, le SGA jugea que les essais confirmaient le prix de revient très inférieur, non seulement de la nouvelle méthode de préparation définie entre 1935 et 19371563, mais aussi de l’emploi de clichés à une échelle inférieure au 1 : 15 000 (tableau 19). La surabondance des points de nivellement permit d’atteindre une précision de restitution jugée paradoxale puisqu’elle était du centième de millimètre alors que la résolution des objectifs de prise de vue ne dépassait pas théoriquement le trentième de millimètre. Les spécialistes donnèrent diverses explications, mais plus que « cette précision presque inespérée »1564 elle-même, je soulignerai la bonne surprises qu’elle constituait : très clairement, le rendement avait été privilégié et les spécialistes n’espéraient qu’une précision au moins égale aux méthodes précédentes. D’ailleurs, le SGA expérimenta la même année une méthode encore plus simplifiée pour les régions moins accidentées, dans laquelle seule une bande de clichés sur deux était préparée : elle réduisait les coûts de préparation d’environ un tiers et fut donc immédiatement acceptée pour les feuilles ne nécessitant pas un canevas dense.

Tableau 19 : Comparaison des méthodes de stéréopréparation expérimentées au SGA.
Région couverte Surface (km 2 ) Echelle des clichés Nombre de
relèvements
Nb. d’inter-sections Chemine-ments (km) Points de nivellement Coût (fr/km 2 )
1933 Gorge du Verdon 440 1 : 15 000 274 119 308   229
1935 Feuille de Salernes 530 1 : 15 000 365 179 178 73 130
1937 Feuille d’Epernay 530 1 : 30 000 90 195 186 820 90
1937 Feuille de Fère-en-Tardenois 550 1 : 30 000 77 250 40 697 55
Notes
1562.

Rapp. SGA 1938-39, p. 148.

1563.

Voir supra, partie 4, chapitre 3.3.2.2.

1564.

Daniel l’expliquait par le « pointé stéréoscopique, qui […] [permettait] d’apprécier avec une très grande sensibilité le contact entre le terrain et la mire stéréoscopique », mais il s’agissait surtout d’une erreur résultante, c’est-à-dire de la somme de multiples erreurs aux origines diverses (distorsion résiduelle, précision mécanique de l’appareil, erreur du pointé des opérateurs, etc.) qui pouvaient se compenser aléatoirement. Rapp. SGA 1938-39, p. 198.

1565.

Ibid., p. 199.