La formalisation et la stabilité des procédés de rédaction répondaient aussi à une nécessité de rationalisation du travail imposée par son organisation même. A l’époque du SGA, l’essentiel du travail de rédaction était effectué au service du dessin de la section de cartographie, par des artistes dessinateurs issus de l’école de dessin du service. Mais la rédaction constituait une tâche considérable et les effectifs limités de la section de cartographie, qui ne comptait que quarante dessinateurs en 19371592, ne permettaient pas d’assurer l’intégralité du travail nécessaire à l’augmentation du rythme de publication voulue par la direction. Pour les cartes au 1 : 20 000 et au 1 : 50 000, les travaux les plus délicats au point de vue topographique, en particulier le dessin des zones rocheuses complexes, étaient assurés par des artistes spécialisés de la section de cartographie ou par le service du dessin de la section de topographie elle-même. Mais pour le reste, une partie de plus en plus importante dut être confiée à du personnel d’appoint, travaillant souvent à domicile1593. Cette disposition originale fut maintenue à l’IGN, organisée sur la base d’une formation spécifique à l’Ecole nationale des sciences géographiques jusqu’en 19821594.
Le développement de l’emploi de dessinateurs à domicile concernait essentiellement la rédaction des cartes de France au 1 : 20 000 et 1 : 50 000, qui représentait la plus grande quantité de travail de la section de cartographie. Leur rédaction restait relativement simple : le 1 : 20 000 ne nécessitait aucune généralisation puisqu’il était rédigé à la même échelle et avec les mêmes détails que les minutes, et le 1 : 50 000 ne demandait qu’une généralisation limitée à la fois par sa proximité avec le 1 : 20 000 et à la fois par le travail du topographe-lui même, qui devait indiquer lors du levé ou du complètement une partie de la sélection des détails à représenter sur le 1 : 50 000. Les dessinateurs à domicile travaillant sans supervision directe, « toutes les opérations [devaient] être strictement standardisées »1595 pour assurer un travail efficace et homogène exploitant au mieux leur formation courte et spécialisée. Georges Alinhac définissait d’ailleurs « la facilité d’exécution, donc l’apprentissage réduit »1596, comme l’une des quatre qualités demandées à la méthode de rédaction.
Cette « normalisation très poussée des méthodes »1597 était certes facilitée par l’effort d’uniformisation de la documentation de base (minutes, stéréominutes et minutes de révision), mais la volonté constante de diminuer l’appel au personnel intérieur pour les tâches les plus complexes (préparation, dessin du rocher, vérifications) nécessitait un effort supplémentaire pour assurer la formalisation et la stabilité indispensables à l’efficacité des procédés de rédaction. En effet, au-delà des problèmes de renouvellement du matériel qui se posaient dans tous les domaines, un changement important dans les procédés de rédaction posait toujours un problème plus spécifique de reconversion d’un personnel dispersé et moins strictement encadré, qui s’illustra particulièrement avec l’adoption du tracé sur couches dans les années soixante.
Le SGA. Op. cit., p. 171.
Rapp. SGA 1932-33, p. 158.
Voir infra, « Après 1960… », 1.2.2.
ALINHAC Georges. Cartographie théorique et technique. T.3. Méthodes appliquées à l’IGN. Paris : Institut géographique national, 1961, p. 9.
ALINHAC Georges. Cartographie théorique et technique. T.2. Méthodes générales de rédaction cartographique. Paris : Institut géographique national, 1962, p. 79.
ALINHAC Georges. Rédaction cartographique. T.2. Techniques appliquées. Paris :Institut géographique national, 1955, p. 39.