Pour l’édition avec estompage du 1 : 50 000, et même plus tardivement pour le 1 : 25 000 et le 1 : 50 000 type 19721644, la planche d’estompage était normalement obtenue par dessin au lavis sur un fond orohydrographique portant en bleu actinique l’hydrographie et les courbes de niveau. Ce dessin était effectué à l’échelle de rédaction, « soit au pinceaux, soit à l’aérographe, le premier [convenant] mieux aux formes détaillées, le second aux grandes dégradés »1645. Il était ensuite photographié et tramé pour obtenir la planche d’estompage : comme cette opération atténuait les contrastes, le dessinateur devait prévenir cette perte en accentuant un peu plus son dessin que le résultat escompté au tirage.
Le principe même de l’estompage reposait sur un dessin simulant un éclairage qui, conventionnellement, était formé de rayons parallèles provenant du nord-ouest. Il fut assez tôt envisagé d’obtenir directement cet estompage en photographiant un plan relief correctement éclairé, même si l’échec de la conception d’un diapason uniforme pour les effets d’estompage avait déjà souligné par le passé la nécessité d’une certaine souplesse dans leur application. L’ambition était explicitement d’obtenir un résultat « plus proche de la vérité » pour des effets qui avaient toujours été jugés comme « un simple moyen d’expression artistique, certes puissant et quasi-indispensable pour la plupart des cartes topographiques, mais sans valeur géométrique et même sans rapport avec l’éclairement naturel du terrain tel qu’il apparaît sur les photos aériennes »1646. Cette méthode ne pouvant être utilisée que pour les cartes disposant d’une édition en relief, elle ne concerna aux échelles topographiques que la carte de France au 1 : 50 000. Expérimentée dès le milieu des années trente1647, elle se formalisa dans les années cinquante avec l’obtention des deux éclairages utilisés pour l’estompage dans le type 1922 par la combinaison de deux négatifs, l’un du relief peint en blanc mat et éclairé à 45° (éclairage oblique), l’autre du relief teinté en noir brillant et éclairé perpendiculairement (éclairage zénithal)1648.
Mais si le rendu était jugé « plus vrai » qu’avec le dessin, il était aussi « moins accentué et moins expressif »1649, la réalisation photographique ne permettant pas d’assouplir les règles théoriques d’éclairage pour mettre en valeur certaines lignes morphologiques définies comme caractéristiques. Généralement trop doux, l’estompage photographique souffrait également d’une déformation perspective difficile à éliminer complètement dans les régions montagneuses, qui compliquait le repérage avec les courbes. Employé de façon expérimentale dans les Alpes à la fin des années trente (feuilles Saint-Christophe publiée en 1935 et La Grave en 1938), il fut utilisé plus régulièrement dans les années quarante et cinquante dans des zones au relief très différent, de la plaine du Genevois à la haute montagne du massif du Mont Blanc, mais sans jamais être généralisé (carte 30). Dans mon corpus, seules douze feuilles de la carte de France au 1 : 50 000 présentaient un estompage photographique, sur les quatre-vingt-treize publiées entre 1940 et 1961, soit environ 13 %. La nécessité de disposer d’un plan relief allongeait fortement le temps de réalisation des feuilles : ce fut d’ailleurs essentiellement cet obstacle à un rendement industriel qui entraîna l’abandon de cette méthode à l’IGN en 1961.
Les essais d’estompage photographique participaient de la conception scientifique de la cartographie, qui cherchait les méthodes les plus rationnelles possibles, c’est-à-dire limitant au maximum l’interprétation humaine basée sur des qualités aussi peu rationnelles que l’expérience ou l’impression. Si cette méthode fut finalement abandonnée à cause de ses résultats peu satisfaisants, du moins sans retouche humaine, et de son faible rendement, c’est-à-dire de son inadaptation aux deux préoccupations fondamentales dans la cartographie moderne de la précision et de la productivité, je considère que la persistance des expérimentations pendant presque trente ans témoigne clairement de l’ambition constante du service officiel de mettre au point des méthodes scientifiques de rédaction cartographique. Même si ce fut un échec pour l’estompage jusqu’à l’avènement des Modèles numériques du terrain (MNT) qui permirent de calculer l’estompage à partir de bases de données altimétriques, ces expérimentations reflétaient une volonté ancienne de limiter, voire de supprimer, l’approche artistique et artisanale de la rédaction cartographique, stigmatisée pour son manque de rationalité et son coût salarial.
* Pour la période 1962-1967, il s’agit de feuilles rédigées avant 1962, mais publiées plus tardivement – les dernières applications de l’estompage photographique datant de 1961.
Dans mon corpus, les feuilles au 1 : 25 000 ne commencent à avoir systématiquement un estompage qu’en 1976.
ALINHAC Georges. Rédaction cartographique. T.1. Op. cit., p. 99.
ALINHAC Georges. Histoire de la cartographie des montagnes. Op. cit., p. 6.
Rapp. SGA 1938-39, p. 48.
ALINHAC Georges. Cartographie théorique et technique. T.2. Op. cit., p. 104-105.
Ibid., p. 105.