4.2.3.5. Persistance de la tradition figurative chez les utilisateurs.

L’accueil public que reçurent les feuilles de Chamonix et du Mont Blanc confirme mon hypothèse de l’absence d’un véritable besoin pour des cartes topométriques au 1 : 20 000 ou 1 : 25 000. Georges Alinhac rappelait qu’« en décembre 1968, les usagers, par la voix de leurs représentants qualifiés, formulaient de vives critiques à l’égard des feuilles de Chamonix au 1 : 20 000, dont la dernière édition datait de 1959 et sur lesquelles les courbes de niveau subsistaient pratiquement seules »1668. L’échec commercial des feuilles en courbes nues ne constituait qu’une partie d’une critique plus générale des simplifications apportées à la carte de France, dans laquelle était également incluse l’utilisation des courbes habillées et l’adoption du type 1968 simplifié pour les feuilles de l’ouest de la France.

Si cette critique fut justifiée par la diminution de la valeur ajoutée de la carte, notamment avec la perte de renseignements qu’imposait le type simplifié, je l’interprète, pour les feuilles alpines, comme la persistance de la tradition figurative chez les utilisateurs de carte. Moins influencés par le paradigme de développement scientifique de la cartographie ou les nécessités d’industrialisation du processus, ces derniers continuaient de rechercher une certaine expressivité dans la représentation cartographique, en particulier pour les régions montagneuses, souvent touristiques, et pour les échelles entre 1 : 20 000 et 1 : 50 000, qui ne se prêtaient plus vraiment à des utilisations techniques. Selon moi, ce besoin d’expressivité tenait autant à l’acculturation tenace de la définition de la carte comme une vue de la surface terrestre depuis le ciel qu’à la difficulté de faire une lecture globale et rapide, pour ainsi dire instinctive, d’une carte en courbe seule, qui plus est sans estompage.

Dans le cas du massif du Mont Blanc, le potentiel commercial de la cartographie d’une telle région touristique justifia une réponse rapide de la part de l’IGN. La publication d’une édition spéciale, dérivée de la carte de base, permit les premiers essais réguliers d’une nouvelle représentation du relief, moins radicalement topométrique mais adaptée à une pratique industrielle, qui fut finalement adoptée dans le type 1972 – en partie encore sous la pression des utilisateurs1669.

Notes
1668.

ALINHAC Georges. La carte de France au 1 :25 000 et au 1 :50 000 type 1972 (spécifications et édition cartographiques). Bulletin d’information de l’IGN, 1978, 36, p. 5.

1669.

Voir infra, « Après 1960… », 2.