Malgré ces réformes statutaires importantes, l’IGN continua de faire face à un climat social particulièrement agité jusqu’au milieu des années soixante-dix. Sinoir souligne la persistance de conflits de type binaire tout au long de l’histoire de l’institut : entre les anciens officiers militaires et les nouveaux ingénieurs civils sortant de l’école pendant les années quarante; entre les agents métropolitains et coloniaux ; entre les personnels actifs travaillant sur le terrain et les personnels sédentaires travaillant dans les ateliers ; entre les techniciens et les administratifs ; entre les partisans du service public et les partisans du développement commercial1689. Cet éclatement du personnel en de multiples groupes favorisa l’apparition systématique d’oppositions épidermiques à chaque réforme envisagée : le changement d’échelle de la carte de base, la décentralisation de l’institut à Bordeaux1690, la réorganisation interne, l’ouverture du poste de directeur de l’institut à d’autres fonctionnaires que les ingénieurs géographes, etc.
Le climat social ne s’apaisa qu’à partir de 1974 avec les réformes entreprises par le nouveau directeur René Mayer – premier directeur choisi en dehors du cadre des ingénieurs géographes grâce à un décret modificateur de janvier 1974 –, définitivement inscrites dans une orientation industrielle et commerciale, à l’image de l’intéressement des employés aux résultats. En plus d’actions de communication et de formation, Mayer encouragea la mobilité en permettant aux personnels de l’IGN d’accéder à des détachements ou à des mises à disposition pour des emplois extérieurs à l’institut, par exemple au sein d’autres services du ministère des Travaux publics. Selon moi, ce soutien à la mobilité procédait de l’industrialisation de l’institut et soulignait la réussite de l’effort de division et de « déqualification » du travail cartographique engagé depuis les années trente, mais il s’opposait aussi à deux siècles d’effort de fixation du personnel qualifié et soulignait la réussite de l’effort
Ibid., p. 63.
Au printemps 1967, le ministre de l’Equipement et du logement et la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR) décidèrent sans consultation des intéressés de délocaliser les services de l’IGN à Bordeaux. Annulée en novembre 1968 à cause de son coût excessif souligné par la direction de l’institut, la procédure fut reprise en 1970 à l’initiative du Premier ministre Chaban-Delmas, alors maire de Bordeaux, et finalement annulée à nouveau face à la ferme opposition du personnel.