3.2. L’aspect touristique, dernière spécificité de la cartographie de montagne.

3.2.1. Une représentation du relief normalisée pour tout le territoire.

Nous avons vu que l’industrialisation des levés aériens et des procédés de rédaction avaient limité les spécificités de la cartographie de montagne1724. La normalisation de la représentation du relief dans le type 1972 achevait d’imposer une pratique cartographique très peu différenciée en fonction du type de région représentée. La concentration de la fonction figurative dans le seul estompage donnait une orientation essentiellement topométrique à la représentation du terrain, dans laquelle les courbes de niveau étaient tracées quasi-automatiquement par la restitution des photographies aériennes et la figuration du rocher assurée par l’exploitation documentaire de leur contenu. Le rendu de la structure du rocher s’appuyant principalement sur les courbes de niveau elles-mêmes, il ne nécessitait pas le même niveau de connaissances topographiques du terrain que l’ancienne méthode du dessin à l’effet. Dans l’organisation industrielle de la rédaction mise en œuvre à l’IGN, il pouvait tout à fait être réalisé par un opérateur qui n’avait jamais parcouru le terrain. L’estompage lui-même, reposant sur des règles relativement précises, était exécuté de façon plus technique qu’expressive, même si l’échec de la méthode photographique avait fait abandonner le projet d’un estompage réalisé sur des bases purement géométriques1725. Ainsi, dans le type 1972, la représentation du relief dans les feuilles de montagne, bien que caractérisée par la présence d’éléments originaux comme les glaciers ou les grandes masses rocheuses, s’inscrivait entièrement dans une normalisation imposée sur tout le territoire, quelle que soit la nature géographique du terrain représenté. A l’exception de l’équidistance des courbes de niveau, elle ne présentait plus les particularités qui, même lors des dérives topométriques des années soixante, la différenciaient clairement de la représentation des régions non montagneuses.

De plus, l’industrialisation avait définitivement imposé un rapport au terrain dominé par la volonté de limiter son parcours direct1726 : l’application des mêmes principes pour la représentation du glacier et du rocher, fondés sur l’analyse de clichés aériens, généralisait aux zones montagneuses un procédé cartographique qui limitait autant que possible le parcours et la connaissance directe du terrain. Seul le complètement conservait une place particulière dans la cartographie de haute montagne, toujours liée aux limites de la photographie aérienne : en complétant la représentation des accidents topographiques verticaux peu visibles sur les clichés aériens et en indiquant les éléments invisibles sur ces clichés, il apportait des informations souvent cruciales en haute montagne et d’un grand intérêt touristique, par exemple sur l’état des sentiers et le classement des itinéraires. Mais depuis l’abandon de la carte du massif du Mont Blanc au 1 : 10 000, le processus cartographique dans son ensemble, complètement compris, ne présentait pas une spécificité suffisante dans les régions montagneuses pour qu’une forme de spécialisation, comme celle rencontrée au sein du SGA dans les années vingt ou trente, aboutisse à l’apparition de véritables topographes de montagne.

Notes
1724.

Voir supra, partie 4, chapitres 3 et 4.

1725.

Voir supra, partie 4, chapitre 4.2.2.1.

1726.

Voir supra, partie 4, chapitre 3.3.