Introduction

Le Liban a la chance d’être la terre de rencontre de plusieurs confessions de religions différentes, dont chacune renferme une particularité socio-culturelle.

Par conséquence, la dynamique sociale de ce pays a toujours été guidée par l’appartenance confessionnelle considérée comme facteur déterminant de la construction identitaire de l’individu qui est un processus psychosocial complexe permettant à l’individu d’avoir un sentiment de particularité de son existence humaine par rapport aux autres. C’est grâce à ce processus que la relation à soi et à autrui sont intimement liées.

Dans le passé, le Liban a été le théâtre de conflits interconfessionnels et l’identité du pays était parmi les principaux facteurs qui ont contribué à les déclancher. Alors, l’établissement de l’unité nationale et l’émergence d’une seule représentation de l’identité libanaise étaient des enjeux délicats. D’où, la question identitaire au Liban est inséparable des conjonctures socio-religieuses, socio-politiques, voir idéologiques.

Ainsi, étudier l’identité libanaise, est une aventure qui relevait d’une rude épreuve pour des raisons multiples qui nous ont encouragés à entreprendre ce sujet d’étude.

La première tient à la nature conceptuelle de la notion : l’identité est une notion complexe. La complexité de ce concept est raffermie par la diversité des approches qui le traitent sur le plan théorique, aussi bien que méthodologique.

La deuxième est relative à la dépendance du processus de la ‘’construction identitaire‘’de l’individu au facteur culturel des groupes. Ce fait s’exprime au Liban par la dépendance de la question identitaire à la conjoncture politique. C’est pourquoi nous étions face à une multitude de discours idéologiques concernant la question identitaire ce qui reflète son acuité dans ce petit pays méditerranéen.

La troisième raison concerne les discours idéologiques et politiques qui sont au premier plan dans les médias et sur la scène sociale, pourtant, ils ne reflètent pas nécessairement les perspectives du peuple, surtout, celles des jeunes.

La quatrième, c’est que dès la constitution de l’Etat, il y a une constellation d’identités qui s’affirment et s’affrontent : arabe ou non, occidentale ou non, chrétienne ou musulmane, et récemment laïque ou non.

Face à une réalité politique complexe – mouvementé, il s’ensuit une multitude de discours identitaires dotés de la diversité de ses représentations sociales ; ce qui nous a poussés à déceler dans le discours des jeunes ce que signifie d’être un libanais, surtout, chez la génération qui a vécu l’atrocité de la fin de la guerre aussi bien que la période de ’’ paix’’. C’est une génération qui a une double expérience.

Ajoutons notre désir d’être à l’écoute des discours profanes et de savoir si la génération d’après guerre définit encore son identité en se référant seulement à son appartenance confessionnelle, ou bien si elle se situe en dehors du terrain confessionnel en visant une expérience du partage culturel interconfessionnel. Alors, pour aborder la question identitaire autant de raisons et d’aspects qui nous ont motivés pour l’étudier malgré les difficultés.

Ces ordres de difficultés d’un côté, et notre souci de les affronter et d’étudier la question identitaire en moyennant une nouvelle approche scientifique, exigeaient une rigueur analytique, d’où notre choix d’une approche interculturelle basée sur le concept de la représentation sociale.

En effet, c’est à partir d’une nécessité impérative d’aborder les ‘’faits’’ psychosociaux d’une manière non unidimensionnelle que nous nous sommes approchés du terrain de la psychologie sociale en choisissant l’approche interculturelle.

Dans notre quête conceptuelle, nous avons objecté le principe d’analyse selon un seul paradigme : psychologique, psychanalytique ou sociologique…etc. En fait, cette nécessité du principe de complémentarité disciplinaire s’est imposée à nous dès le début de la recherche. Ce qui a répondu à notre besoin sur le plan conceptuel et théorique fondé sur l’articulation entre le social et l’individuel, et qui tente d’articuler, particulièrement, le psychisme et la culture.

Par conséquent, notre recherche conceptuelle mène à opérer un déplacement du champ de la psychologie sociale vers celui de la psychologie interculturelle. Ce travail

prend en considération les lacunes sur le plan scientifique ainsi que le manque du traitement de l’individuel et du collectif séparés.

Nous avons probablement trouvé réponse à notre quête conceptuelle dans l’approche interculturelle, les difficultés ne sont pas surmontées totalement, elles continuent pendant l’élaboration théorique, surtout que nous nous situons à la croisée des trois champs conceptuels : l’identité, les représentations sociales et la culture, abordées chacune dans les différentes disciplines et d’emblée, les définitions et les orientations des recherches étaient multiples.

Ainsi, il paraît que non seulement il n’y a pas de frontières précises ni d’imperméabilité entre les différents domaines de la psychologie, mais également entre la psychologie sociale et d’autres domaines des sciences humaines, par exemple l’anthropologie qui s’intéresse au facteur culturel et les interactions entre les différents groupes. Ajoutons que ces deux disciplines ont en commun une multitude de concepts tels que la représentation sociale, la socialisation, le symbolisme…etc. D’ailleurs, il y a la nouveauté de la psychologie interculturelle et la polémique autour son identité : en tant qu’une approche de la psychologie sociale ou bien en tant qu’une nouvelle discipline qui entraîne de dessiner sa pédagogie et tente d’être indépendante, a sa propre identité scientifique dans les décennies d’avenir.

Notre souci était de mettre en évidence les points d’articulations permettant de situer, et de définir l’objet de la recherche qui est à double face. Si certes, l’identité dans sa dimension socio-culturelle est notre objet, pour nous inséparable de la notion des représentations sociales. Nous considérons que les deux ensembles répondent à nos interrogations : pour mieux comprendre la dynamique et la construction identitaires des jeunes, il était nécessaire de découvrir la perception que l’individu se fait de son appartenance confessionnelle, c’est-à-dire, l’analyse des représentations sociales dont l’identité fait l’objet et le cible.

Cette étude ne s’intéresse pas à la genèse identitaire, non plus à savoir la manière dont les aspects personnels s’organisent, malgré leur importance, car l’objet de la recherche est limité par le sujet - individu. Or, nous adoptons une optique considérant l’individu en

tant que sujet social, et nous nous intéressons aux appartenances socio-culturelles qui contribuent à l’élaboration de son identité.

En quoi l’étude de la représentation sociale de l’identité serait-elle pertinente dans l’étude de la question identitaire ? C’est le questionnement auquel nous nous tentons de répondre dans le premier chapitre ’’ fondements théoriques’’ dans lequel nous avons présenté quelques travaux concernant l’identité, la représentation sociale et la culture, autrement dit, quelques apports fondamentaux en psychologie sociale et interculturelle qui abordent des faits résultants du ‘’ contact des cultures’’ tels que les stratégies identitaires et les attitudes d’acculturation.

En fait, la notion de la représentation sociale était privilégiée, parce que :

-Elle constitue un espace où se saisissent, et se transforment les référents culturels et idéologiques qui sont présents dans toute formation identitaire.

-Elle nous permet de dévoiler si une expérience du partage culturel et l’établissement du principe du contact des cultures sont susceptibles de se développer dans ce petit pays.

-Elle permet de savoir si l’appartenance confessionnelle est un facteur déterminant dans la question identitaire, surtout, au niveau de la définition des jeunes de l’identité nationale libanaise.

Elle nous permet à travers les différentes dynamiques représentationnelles, par exemple l’ancrage, de repérer les points de départ de certaines représentations sociales de l’identité libanaise propagées dans la société par les historiens.

-Elle nous a aussi permit, de mieux comprendre l’influence de l’environnement, surtout ses éléments historiques sur l’identité, représentant un terrain où s’enchevêtrent la relation à soi et à l’Autre. Alors, l’identité n’a jamais été séparée de l’altérité, surtout actuellement, au temps de la prospérité de la mondialisation.

Selon une approche psychosociale et interculturelle, nous avons abordé dans le second chapitre la question de l’altérité en tant qu’une partie inhérente à la construction identitaire de l’individu, dans le but de démonter que l’altérité est une référence identitaire. Cette dernière s’impose vivement au temps de la mondialisation dont la question de la différence culturelle devient un enjeu vécu par la plupart des Etats-Nations qui sont fortement influencés par la mondialisation. Sans oublier d’exposer la

diversité des approches qui abordent l’identité et sa relation avec la religion puisque, au Liban, l’identité est fortement liée à la religion.

Quant au troisième chapitre, il désigne l’identité de la psychologie interculturelle, de la théorie à la pratique en partant d’une clarification conceptuelle, et dévoilant les sources de ce concept et son évolution historique, son orientation pluridimensionnelle et son enjeu au niveau méthodologique. Le but de ce chapitre est de clarifier cette nouvelle approche que nous adoptons qui est l’interculturelle : son rigueur heuristique.

Axé sur la méthodologie appliquée au recueil des données, le quatrième chapitre expose les diverses étapes de la démarche scientifique adoptée. Il construit la problématique, puis élabore les hypothèses et décrit les techniques d’investigations : questionnaires, échelles d’attitude. Il explique aussi les procédures de déroulement, de dépouillement et du codage des résultats.

Dans le cinquième chapitre, nous procédons à une mise en contexte de la problématique en présentant le contexte socio-culturel et historique de la question identitaire. Cela constitue un travail d’autopsie du corps social libanais. En commençant par la description du caractère principal de la structure sociale libanaise. Puis, nous avons présenté les différents groupes confessionnels constituants la société qui se caractérise, d’une part, par la primauté de la famille, en tant qu’une société traditionnelle, et d’autre part, par l’enjeu de la laïcité en tant que facteur pouvant encourager une expérience du partage culturel et affaiblir les inconvénients de l’appartenance confessionnelle traduits par le confessionnalisme politique.

Si notre recherche vise à dégager l’image que se fait un jeune de son appartenance socio-culturelle et nationale, elle nécessite de se référer à l’image qu’il lui est donnée de lui-même. Celle-ci est diffusée par les différentes confessions, et inséparable du contexte historique et social de ces groupes religieux. Elle est liée aux événements saillants qui influencent leurs mémoires collectives, et d’emblée, leurs conceptions de l’identité. D’où, l’importance des théories des représentations sociales, puisqu’elles permettent de repérer les représentations de l’identité libanaise dans les différentes formes expressives, idéologiques ou scientifiques.

L’objectif de ce chapitre est de délimiter les discours publics saisis à travers des ouvrages scientifiques ou politiques portant sur le liban. Ceux-ci composent la source

où s’enracinent les représentations sociales de l’identité libanaise circulant dans la société. La diversité des approches dans ces ouvrages nous permet de mieux comprendre la question de l’identité en dégageant les pôles identitaires encourageant la construction identitaire selon les principaux modèles de la société.

Puisque nous abordons la question identitaire en tant qu’un fait interculturel, guidé par le principe du ‘’contact des cultures’’ dans le but d’éclairer la situation du partage culturel interconfessionnel dans la période d’après guerre, il nous semble nécessaire de présenter la situation du dialogue islamo-chrétien en tant qu’une des expressions de ce partage. Alors, le dernier volet de ce chapitre, porte sur le dialogue islamo-chrétien qui apporte une dimension conviviale à l’expérience libanaise représentant l’unité dans la diversité.

Après avoir traité les circonstances historiques, socioculturelles et politiques qui ont contribué à enraciner l’appartenance confessionnelle en affaiblissant l’unité nationale, dans le septième chapitre renfermant les résultats d’enquête, nous allons dévoiler la place qu’occupent la religion et l’appartenance confessionnelle dans la dynamique sociale et surtout dans le processus d’interaction sociale des jeunes. C’est pourquoi, nous avons essayé dans la partie pratique de la recherche de sonder la réalité de l’implication religieuse des jeunes et de voir si elle est influencée par le milieu familial. Nous avons aussi tenté de révéler l’impact de la religion dans les pratiques socio-culturelles quotidiennes, sans oublier les attitudes à l’égard des questions cultuelles et culturelles.

Après avoir découvert si les pratiques socio-culturelles, les comportements et les attitudes des jeunes sont influencés par l’appartenance confessionnelle ou s’ils penchent vers la laïcité, le huitième chapitre explore les perspectives et les attitudes des jeunes concernant les questions de nature socio-culturelles qui étaient tout au long de l’histoire du pays des questions polémiques et des sources de divergence interconfessionnelle. Ces questions reflètent parfois aussi le désir des jeunes de vivre une expérience du partage culturel avec les membres des autres confessions. Ceci afin de savoir si la dynamique relationnelle interconfessionnelle et la situation d’après guerre au Liban permettent de s’y établir.

Nous attirons l’attention concernant l’insertion des thèmes qui peuvent paraître comme des digressions, tels que : la relation sexuelle avant le mariage, les moyens de contraception, la mondialisation et la révolution des médias. En réalité, elles figurent comme des incidences contextuelles dans la mesure où elles forment des points d’inflexion identitaire, ou bien, elles sont tributaires du contexte socio-culturel.

La synthèse, en neuvième chapitre, regroupe tous les résultats et les intègre dans une perspective analytique d’ensemble montrant que les jeunes libanais de toutes les confessions manifestent toujours une tendance à dépasser l’appartenance confessionnelle concernant les questions sociopolitiques, puisque l’acuité de l’appartenance confessionnelle commence à être plus faible qu’avant. Elle est remplacée par l’appartenance familiale et nationale. Soulignons que la laïcité est acceptée au niveau socio-politique sans profaner les aspects de la vie quotidienne. Ceci montre que la société libanaise commence à s’orienter vers la laïcité, aussi bien, vers le partage culturel puisque la convergence des attitudes des jeunes autour de certaines questions socio-culturelles, surtout, celles considérées épineuses au niveau nationale, représente un indicateur de la présence d’un partage culturel.

La conclusion générale au dixième chapitre reprend la problématique identitaire et représentative en constatant que les processus identitaires sont étroitement liés à ceux des représentations socio-culturelles et que chaque élaboration identitaire ne prend son sens qu’au sein d’une dynamique représentative en interaction dialectique avec la dynamique identitaire.